Moins de deux semaines après le carnage de Nice, les djihadistes du groupe État islamique (EI) ont à nouveau frappé la France mardi à Saint-Etienne-du-Rouvray, où l'égorgement d'un prêtre dans son église pose la question des moyens de lutte contre les attentats.

Jacques Hamel, prêtre auxiliaire de 86 ans, a été égorgé au couteau lors d'une prise d'otages dans son église de Saint-Etienne-du-Rouvray, près de Rouen. Un autre otage, un paroissien de 86 ans, a été grièvement blessé mais est hors de danger.

L'attentat, revendiqué par l'EI, a été perpétré par deux djihadistes qui ont été abattus. L'un des deux, mis en examen pour avoir tenté de rejoindre la Syrie, était sous bracelet électronique.

Cet attentat est survenu 12 jours après l'attaque au camion qui avait fait 84 morts et plus de 300 blessés le soir du 14 juillet à Nice, également revendiquée par l'EI.

L'un des assaillants de Saint-Etienne-du-Rouvray a été formellement identifié comme étant Adel Kermiche. Connu des services antiterroristes, ce Français de 19 ans avait tenté de rallier la Syrie par deux fois en 2015 - d'abord en mars via l'Allemagne alors qu'il était mineur, mais il avait été interpellé, puis en mai alors qu'il était majeur via la Suisse, puis la Turquie où il avait été arrêté.

Mis en examen dès mars 2015 pour association de malfaiteurs en lien avec une entreprise terroriste, il avait été placé en détention provisoire à l'issue de sa deuxième tentative, puis libéré en mars 2016 et assigné à résidence sous bracelet électronique. Le parquet de Paris avait fait appel de cette libération, sans obtenir gain de cause.

L'identification du second assaillant est toujours en cours. Un mineur, algérien, a été placé en garde à vue. 

«Action incomplète» 

«Il faut en finir avec cette possibilité qui est donnée de libérer pendant sa détention provisoire, donc avant son jugement, tout individu mis en examen pour un quelconque lien avec le terrorisme», a réagi Frédéric Lagache, secrétaire général adjoint du syndicat policier Alliance.

Dans un climat politique déjà électrisé par l'attentat de Nice, l'opposition a critiqué mardi la politique antiterroriste du gouvernement.

L'ex-président Nicolas Sarkozy a récusé «les arguties juridiques» conduisant à «une action incomplète» contre les djihadistes. La présidente du FN Marine Le Pen a dénoncé la «responsabilité (...) immense» de «tous ceux qui nous gouvernent depuis 30 ans».

«Restreindre nos libertés (...) n'apporterait pas d'efficacité à notre lutte contre le terrorisme (...)», a déclaré le président François Hollande lors d'une allocution mardi soir depuis l'Elysée, appelant de nouveau à «faire bloc».

«L'objectif» de l'attentat est de «jeter les Français les uns contre les autres, s'attaquer à une religion pour provoquer une guerre de religions», a jugé le Premier ministre Manuel Valls.

Le président réunira mercredi à 08H45 à l'Élysée un Conseil de sécurité et de défense, après avoir reçu les représentants des différents cultes. 

«Pardonne-leur» 

Mardi vers 11h25, les deux assaillants étaient entrésdans l'église en pleine messe et avaient pris six personnes en otage: le prêtre, trois religieuses et un couple de paroissiens.

Les djihadistes, qui se sont «enregistrés», ont crié ««vous, les chrétiens, vous nous supprimez»», et l'un a fait «un peu comme un sermon autour de l'autel en arabe» avant l'assassinat du prêtre, a témoigné sur RMC et France 2 l'une des religieuses, Soeur Danielle, parvenue à s'enfuir et à prévenir la police.

Les deux religieuses et la paroissienne sont ensuite sorties, «suivies des deux terroristes, l'un d'eux portant une arme de poing, s'élançant sur les forces de police aux cris d'Allah Akbar», selon le procureur François Molins.

Les policiers de la Brigade de recherche et d'intervention (BRI) de Rouen les ont abattus.

L'EI a affirmé que cette attaque avait été exécutée par deux de ses «soldats».

A l'unisson de la communauté catholique, sous le choc, le pape François a fustigé «un meurtre barbare».

Ému, mardi soir, sur le perron de l'Elysée, l'archevêque de Rouen, Mgr Dominique Lebrun, a cité la «parole de Jésus, «pardonne-leur, ils ne savent pas ce qu'ils font»».

Mardi soir, des dizaines de bougies étaient allumées devant la mairie de Saint-Etienne-du-Rouvray. L'église restait inaccessible.

Mercredi à 18h15, une messe sera célébrée en la cathédrale Notre-Dame de Paris pour les victimes de l'attentat.

Photo Reuters

Le père Jacques Hamel

L'imam de Saint-Etienne-du-Rouvray «effaré» par le décès de son «ami» prêtre

Le représentant musulman de Saint-Étienne-du-Rouvray s'est dit «effaré» par le décès de son «ami», le prêtre Jacques Hamel, 

«Je ne comprends pas, toutes nos prières vont vers sa famille et la communauté catholique», a déclaré à l'AFP l'imam Mohammed Karabila.

«C'est quelqu'un qui a donné sa vie aux autres. On est abasourdis à la mosquée», a-t-il ajouté.

Le prêtre et l'imam s'étaient retrouvés à plusieurs reprises lors d'interventions publiques sur la religion et le savoir-vivre ensemble.

«Cela fait 18 mois qu'on s'attaque à des civils, maintenant ils visent des symboles religieux et prennent pour prétexte notre religion, ce n'est plus possible», a déploré M. Karabila.

La mosquée de Saint-Étienne-du-Rouvray a été inaugurée en 2000 sur une parcelle de terrain offerte par la paroisse catholique de la ville.

C'est dans cette même mosquée qu'avait eu lieu une cérémonie funèbre en mémoire d'Imad Ibn Ziaten, un parachutiste de 30 ans tué le 11 mars 2012 à Toulouse par Mohamed Merah, qui avait assassiné en 2012 trois militaires et quatre juifs, dont trois enfants.

Imad Ibn Ziaten était originaire de la commune toute proche de Sotteville-lès-Rouen.

«C'est un choc total, ça réveille la douleur», a déclaré à l'AFP sa mère, Latifa Ibn Ziaten, qui a fondé une association afin de lutter contre la radicalisation islamiste.

Saint-Étienne-du-Rouvray «est une ville tranquille», a confié Mme Ibn Ziaten, qui se rend fréquemment à la mosquée de la ville pour prier.

A Saint-Étienne-du-Rouvray comme dans d'autres communes de l'agglomération rouennaise, «il y a beaucoup de familles qui viennent me voir pour leurs enfants qui se radicalisent», a rapporté Mme Ibn Ziaten.

«Quand je vois un danger, j'essaye de le signaler», a-t-elle ajouté.

Les attentats de l'EI contre des cibles occidentales

Rappel des principaux attentats contre des cibles occidentales revendiqués ou attribués aux djihadistes de l'État islamique (EI), qui a affirmé mardi que les auteurs de l'attaque dans une église en France étaient deux de ses «soldats».

26 juillet 2016 : France

Un prêtre est égorgé au cours d'une prise d'otages dans une église à Saint-Etienne-du-Rouvray, dans le nord-ouest de la France. Il a été tué par «deux terroristes se réclamant de Daech» (acronyme arabe de l'EI), déclare François Hollande. L'EI affirme que les auteurs étaient deux de ses «soldats».

24 juillet 2016 : Allemagne

Un réfugié syrien, débouté de sa demande d'asile, se fait exploser dans le centre d'Ansbach, en Bavière (sud), à proximité d'un festival de musique. L'attentat fait 15 blessés et provoque la mort de son auteur.

Le ministre bavarois de l'Intérieur annonce que ce Syrien avait «fait allégeance» à l'EI, qui affirme de son côté que c'était l'un de ses «soldats».

18 juillet 2016 : Allemagne

Un jeune demandeur d'asile qui affirme être afghan (la police pense qu'il pourrait être pakistanais) blesse cinq personnes, dont deux grièvement, dans un train régional en les attaquant à la hache et au couteau. Il est tué par la police. L'EI revendique l'attaque.

14 juillet 2016: France

Un Tunisien de 31 ans, Mohamed Lahouaiej-Bouhlel, fonce au volant d'un camion dans la foule, quelques instants après le feu d'artifice du 14 juillet à Nice, tuant 84 personnes, dont plusieurs enfants, et faisant plus de 330 blessés. L'attaque est revendiquée par l'EI.

28 juin 2016 : Turquie

Quarante-sept personnes sont tuées dans un triple attentat suicide à l'aéroport international Atatürk d'Istanbul. Selon le premier ministre, «les indices pointent vers Daech».

13 juin 2016 : France

Assassinat d'un policier et de sa compagne près de Paris, revendiqué par un homme qui a prêté allégeance à l'EI.

12 juin 2016 : États-Unis

Un Américain d'origine afghane tue 49 personnes dans un club gai d'Orlando (Floride). Il avait fait allégeance à l'EI dans un appel au numéro des urgences après avoir commencé son attaque. L'EI revendique le massacre, commis par «un soldat du califat».

22 mars 2016 : Belgique

Des attentats suicide, revendiqués par l'EI, font 32 morts et plus de 340 blessés à l'aéroport de Bruxelles et dans la station de métro Maelbeek, au coeur du quartier européen de la capitale belge.

19 mars 2016 : Turquie

Un attentat suicide sur l'avenue Istiklal d'Istanbul provoque la mort de quatre touristes, trois Israéliens et un Iranien. Cette attaque est attribuée à l'EI.

12 janvier 2016 : Turquie

Un attentat suicide dans le coeur historique d'Istanbul fait douze morts, des touristes allemands. Cette attaque est attribuée à l'EI.

2 décembre 2015 : États-Unis

Un couple de musulmans ouvre le feu dans un centre de soins pour handicapés à San Bernardino, en Californie, tuant 14 personnes. L'attaque est saluée, mais pas revendiquée, par l'EI.

13 novembre 2015 : France

Des attaques à Paris font 130 morts et plus de 350 blessés. Les attentats, revendiqués par l'EI, sont perpétrés dans la salle de concert du Bataclan, dans plusieurs rues de la capitale et près du Stade de France.

31 octobre 2015 : Égypte

Les 224 occupants d'un Airbus A321 russe, touristes et membres de l'équipage, périssent dans la chute de leur appareil dans la péninsule du Sinaï. L'EI revendique la responsabilité de l'écrasement.

26 juin 2015 : Tunisie

Une attaque contre un hôtel à Sousse (est) fait 38 morts, dont 30 Britanniques. Le 18 mars, un attentat contre le musée du Bardo à Tunis avait fait 22 morts, dont 21 touristes étrangers. Ces attentats sont revendiqués par l'EI.

8 janvier 2015 : France

Amédy Coulibaly, qui se revendique de l'EI, tue une policière à Montrouge, au sud de Paris. Le lendemain, il prend en otages les clients et les employés d'un supermarché casher de Paris et tue quatre d'entre eux, tous juifs. Il est abattu par la police.

Le 7 janvier, les frères Kouachi, qui se revendiquaient d'Al-Qaïda dans la péninsule arabique (Aqpa), avaient tué 12 personnes au siège de l'hebdomadaire Charlie Hebdo à Paris.