Le président Recep Tayyip Erdogan a instauré l'état d'urgence pour trois mois en Turquie et intensifié la purge massive lancée après l'échec du coup d'État militaire du 15 juillet.

Arrestations, suspensions, limogeages... Le coup de balai touche 55 000 personnes, notamment dans l'enseignement, la police, la justice, l'armée et les médias.

Cette vigoureuse riposte suscite l'inquiétude à l'étranger sans que cela n'ébranle la détermination du chef de l'État turc.

S'il s'est engagé à ne faire «aucun compromis» sur la démocratie, M. Erdogan a annoncé dans une allocution dans la soirée «l'instauration de l'état d'urgence pour une durée de trois mois».

L'état d'urgence permet notamment de décréter le couvre-feu, de restreindre le droit de manifester ou la liberté de circulation dans certains secteurs identifiés.

Cette décision a été annoncée à l'issue d'une réunion du Conseil de sécurité nationale et d'un conseil des ministres à Ankara où le président est retourné mardi soir pour la première fois depuis le putsch avorté.

«D'autres pays» impliqués ?

Une mesure «nécessaire pour éradiquer rapidement tous les éléments de l'organisation terroriste impliquée dans la tentative de coup d'État», a ajouté M. Erdogan dans une allusion au prédicateur vivant en exil aux États-Unis Fethullah Gülen dont il réclame l'extradition. M. Gülen a formellement démenti toute implication dans la tentative de putsch.

Sans les citer, le président turc s'est dit convaincu que «d'autres pays pourraient être impliqués» dans ce putsch qui «n'est peut-être pas fini».

Steffen Seibert, le porte-parole de la chancelière allemande Angela Merkel, a déploré que «presque quotidiennement, de nouvelles mesures (soient) prises qui sont contraires à un mode d'action respectant l'État de droit».

Cette mise en garde fait écho à celle formulée dès dimanche par le chef de la diplomatie française Jean-Marc Ayrault, à qui le président turc a demandé mercredi de «se mêler de ses affaires».

M. Erdogan a toutefois reçu le soutien du secrétaire d'État américain John Kerry, qui a refusé de «commenter» les purges opérées par Ankara.

La tentative de prise du pouvoir par des militaires, dans la nuit de vendredi à samedi, a fait plus de 300 morts et semé le chaos, notamment à Ankara, où le parlement et le siège de la police ont été bombardés par les mutins.

M. Erdogan, qui se trouvait au moment du putsch dans la station balnéaire de Marmaris, sur la mer Égée, a déclaré qu'il y avait eu «des failles dans le domaine du renseignement», indiquant qu'il avait été informé de la tentative de coup d'État par son beau-frère.

Depuis, environ 55 000 personnes ont été suspendues de leurs fonctions ou limogées, selon le comptage de l'AFP effectué à partir des chiffres officiels et des médias turcs.

Plus de 9000 suspects ont été placés en garde à vue ou arrêtés, sans que l'on sache s'ils sont comptabilisés parmi les quelque 55 000 personnes touchées par les purges.

Selon l'agence de presse progouvernementale Anadolu, 99 généraux et amiraux ont été placés en détention provisoire en attente de leur procès. L'aide de camp de M. Erdogan, Ali Yacizi, est lui aussi détenu.

Un nouveau bilan officiel des événements sanglants du putsch fait état de 312 morts, dont 145 civils, 60 policiers et trois soldats. 104 rebelles ont été tués.

L'état d'urgence n'est pas la seule mesure décidée mercredi. Le Conseil de l'enseignement supérieur (YÖK) a ainsi interdit, jusqu'à nouvel ordre, toutes les missions à l'étranger des universitaires, a rapporté Anadolu.

Les partisans d'Erdogan dans la rue

Mercredi, l'armée de l'air a de nouveau frappé des positions en Irak des rebelles kurdes du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), signifiant à qui pouvait en douter que M. Erdogan avait repris le contrôle absolu de l'armée de l'air.

Si l'identité des responsables du putsch reste floue, l'armée de l'air est soupçonnée d'avoir joué un rôle central. Son ex-chef, le général Akin Oztürk, se trouve derrière les barreaux.

Ces événements ont apparemment galvanisé M. Erdogan, omniprésent auprès des foules, qui sont de nouveau descendues dans les rues mercredi, pour la cinquième soirée consécutive. Il a appelé ses sympathisants à rester mobilisés dans les grandes villes comme son fief politique d'Istanbul, Ankara et Izmir (ouest).

Illustration de l'inquiétude à l'étranger, l'agence de notation SP Global Ratings a annoncé mercredi avoir abaissé d'un cran la note souveraine (BB au lieu de BB») de la Turquie.

AFP