Les États-Unis, l'Union Européenne et l'OTAN ont mis en garde lundi la Turquie contre la tentation d'une répression généralisée et du rétablissement de la peine de mort, trois jours après le coup d'État avorté, exhortant Ankara à «respecter l'État de droit».

«Nous appelons le gouvernement de Turquie à respecter les institutions démocratiques de la nation et l'État de droit», a martelé le secrétaire d'État américain, John Kerry, à l'issue d'une réunion à Bruxelles avec les ministres des Affaires étrangères de l'UE.

«Le niveau de vigilance et de surveillance va être important dans les jours qui viennent», a prévenu M. Kerry, lors d'une conférence de presse avec la chef de la diplomatie européenne Federica Mogherini.

Trois jours après le putsch qui a fait au moins 308 morts, dont plus de 100 mutins, un total de 7543 suspects étaient en garde à vue lundi, dont 6038 militaires, 755 magistrats et 100 policiers.

«Nous disons aujourd'hui que l'État de droit doit être protégé pour le bien» de la Turquie, a affirmé de son côté Mme Mogherini.

La diplomate italienne, qui coordonne l'action extérieure de l'UE, a aussi averti la Turquie que sa candidature à l'UE pourrait être remise en cause après les déclarations du président Recep Tayyip Erdogan évoquant une possible réintroduction de la peine de mort.

«Aucun pays ne peut adhérer à l'UE s'il introduit la peine de mort», a dit Mme Mogherini. Une déclaration qui a fait écho à celle du porte-parole du gouvernement allemand.

«L'introduction de la peine de mort en Turquie signifierait en conséquence (pour Ankara) la fin des négociations d'adhésion à l'Union européenne», a déclaré ce porte-parole, Steffen Seibert.

L'Allemagne est le pays européen qui compte la plus grande communauté turque hors de Turquie. Samedi, la chancelière Angela Merkel, cheville ouvrière de l'accord UE-Turquie sur les réfugiés, avait déjà appelé M. Erdogan à traiter les putschistes en respectant «l'État de droit».

Le «courage» des Turcs

De son côté, le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Marc Ayrault, a affirmé que les Européens «feront tout pour que la peine de mort ne soit pas rétablie».

«La Turquie a pris des engagements, elle est signataire de la Convention européenne des droits de l'Homme, elle est membre du Conseil de l'Europe», a rappelé M. Ayrault à Bruxelles.

La peine de mort a été officiellement abolie en Turquie en 2004 dans le cadre de la candidature d'Ankara à l'entrée dans l'Union européenne.

«Aucun État membre» du Conseil de l'Europe «ne peut exercer la peine de mort», a souligné le secrétaire général de cette organisation, Thorbjorn Jagland.

Le secrétaire général de l'OTAN, Jens Stoltenberg, a de son côté téléphoné au président turc, a indiqué l'Alliance atlantique, dont la Turquie est un membre stratégique.

«Il est essentiel pour la Turquie, comme pour tous les autres alliés, de respecter pleinement la démocratie et ses institutions, l'ordre constitutionnel, l'État de droit et les libertés fondamentales», a estimé M. Stoltenberg.

Mais le chef de l'OTAN a aussi à nouveau «condamné» la tentative de coup d'État et apporté son «soutien total aux institutions démocratiques turques», estimant que «le peuple de Turquie a fait preuve d'un grand courage».

Washington demande «des preuves»

La demande d'adhésion de la Turquie à l'UE s'était déjà heurtée aux inquiétudes grandissantes des États membres de l'UE quant aux dérives autoritaires du régime du président Erdogan en matière de liberté de la presse et de droits de l'Homme.

À son arrivée à Bruxelles lundi matin, le commissaire européen à l'Élargissement Johannes Hahn, chargé du dossier de la candidature turque à l'UE, a suggéré que le gouvernement turc avait déjà préparé, avant la tentative de coup d'État, une liste de personnes à arrêter.

«Je pense que le fait que les listes soient déjà disponibles juste après l'événement montre qu'elles ont été préparées pour être utilisées à un certain moment», a-t-il observé.

Le ministre des Affaires étrangères turc, Mevlut Cavusoglu, a répliqué sur Twitter que les allégations du commissaire européen «dépassent l'entendement et (sont) totalement inacceptable».

Interrogé sur la demande faite par le président Erdogan que Washington lui livre le prédicateur musulman en exil Fethullah Gülen, accusé par Ankara d'avoir fomenté le putsch avorté, M. Kerry a estimé que le régime turc devait présenter «des preuves, pas des allégations» contre l'opposant de 75 ans qui vit reclus aux États-Unis depuis 1999.