«J'aime la Turquie», «L'époque des putschs est finie»: dans la joie, plusieurs milliers de Turcs ont scandé samedi soir leur soutien au président Recep Tayyip Erdogan, moins de 24 heures après l'échec de la tentative de coup d'Etat militaire.

Vendredi soir, Istanbul a été cueillie à froid par la nouvelle de l'instauration de la loi martiale par un groupe de soldats rebelles. Mais la tentative de coup d'État a fait long feu et moins de 24 heures plus tard, l'effroi a cédé la place à la liesse et à son cortège de klaxons, de rires d'enfants et de drapeaux frappés du croissant de lune et de l'étoile blanche sur fond rouge.

Recep Tayyip Erdogan ne boude pas son plaisir. Il peut se prévaloir du soutien de la communauté internationale. Sur Twitter le chef de l'État a appelé ses compatriotes à «continuer d'être maîtres des rues (...) car une nouvelle flambée (de violences) est toujours possible», après l'échec de la tentative de putsch qui a fait au moins 265 morts.

À Istanbul, le chef de l'État s'est en début de soirée adressé à cette foule de partisans, massée sous une forêt de drapeaux turcs, selon la télévision.

M. Erdogan a mis la tentative de putsch sur le compte d'un «État parallèle» et de la «Pennsylvanie», une référence explicite au prédicateur Fethullah Gülen, son ennemi juré qui vit en exil dans le Nord-Est des États-Unis. Ce dernier a nié toute implication dans les récents événements.

L'atmosphère est plutôt familiale dans le district de Kisikli, sur la rive asiatique de la métropole, où M. Erdogan possède une maison. Istanbul est le fief du président turc, qui en a été le maire.

Mais au soulagement se mêle le sentiment que les événements de la nuit de vendredi à samedi n'ont fait qu'asseoir l'autorité du président islamo-conservateur, très critiqué ces dernières années pour ses dérives autoritaires.

«J'aime la Turquie»

En marge du discours de M. Erdogan, Hayrullah Kul, 55 ans, du quartier d'Üsküdar, affiche sans détour son soutien au président. «Ils ont essayé de fomenter un coup d'État, mais ils ont échoué. Je suis vraiment heureux qu'ils n'aient pas réussi», explique-t-il à l'AFP.

«Hier (vendredi), ils (les partisans de M. Gülen) ont passé une sale journée. Ils ne peuvent pas nous anéantir. En fait, ils ont renforcé notre cohésion nationale», s'exclame-t-il.

«Lazes (une minorité du nord-est), Turcs, Kurdes: nous sommes la Turquie, nous sommes tous Turcs. Ce rassemblement, c'est un message de solidarité que nous envoyons au monde entier», abonde Besir Demirozur, 29 ans.

Dans la foule, hommes, femmes et enfants arborent sur le front des bandeaux sur lesquels s'étale le nom du président.

La fin du discours de leur champion donne le signal: dans une ambiance survoltée, la foule investit les rues de la plus grande ville de Turquie.

De l'autre côté du Bosphore, c'est à Taksim qu'ils se sont donné rendez-vous, l'immense place vers laquelle convergent les grandes artères de la rive européenne. Sur l'Istiklal, la longue rue piétonne qui finit sa course sur Taksim, les drapeaux turcs sont, là aussi, de rigueur. Certains lancent des «Allahu Akbar» (Dieu est Le plus grand) euphoriques.

Le petit Ahmet, 7 ans, est venu avec toute sa famille, parce que «j'aime la Turquie».

«Aujourd'hui nous fêtons la liberté et la démocratie. Nous fêtons la Turquie», lui répond Fatima, 18 ans.

À Ankara, la capitale turque située à environ 450 km au sud-est d'Istanbul, des soutiens du président Erdogan se sont également rassemblés, mais en nombre inférieur, devant le Parlement partiellement bombardé par voie aérienne pendant les troubles.

Sur la place Kizilay, Osman, 59 ans, accuse les «traîtres» d'avoir voulu renverser le président turc. «Personne ne peut mener de coup d'État dans notre pays. Nous n'abandonnerons pas la Turquie aux traîtres», martèle-t-il.

Un peu plus loin, Inci, 27 ans, veut croire à la fin de l'ère des coups d'État dans son pays, où l'armée a déjà mené trois putschs (1960, 1971, 1980) et forcé un gouvernement d'inspiration islamiste à quitter le pouvoir en 1997.

«La Turquie ne retournera pas à l'époque des putschs», assure la jeune femme.