Officiellement investie comme première ministre britannique, Theresa May a promis mercredi de relever le défi du Brexit et de construire « un nouveau rôle audacieux et positif » hors de l'Union européenne pour son pays.

Mme May, qui devient la deuxième femme à prendre les rênes d'un exécutif britannique après Margaret Thatcher (1979-1990), veut aussi garantir « la justice sociale » et le maintien de l'unité du Royaume-Uni, menacé d'éclatement par la sortie de l'UE.

L'ancienne ministre de l'Intérieur, 59 ans, s'est vu confier la responsabilité de former le nouveau gouvernement conservateur par la reine Élisabeth II lors d'une audience privée à Buckingham Palace.

Une photo diffusée par le palais, sur laquelle on la voit faire la révérence devant la reine en lui serrant la main, témoigne du moment solennel.

Quelques minutes plus tôt, Élisabeth II avait reçu son prédécesseur, David Cameron, venu remettre, sous l'orage menaçant, sa démission, en compagnie de son épouse Samantha et de leurs trois jeunes enfants.

Devant Downing Street, pour sa dernière allocution en tant que premier ministre, il a souhaité à son pays qu'il « aime tant » de « continuer à réussir ».

« Je marche dans les pas d'un grand premier ministre moderne », a déclaré Mme May en prenant possession des lieux, après avoir reçu les félicitations de la Maison-Blanche et du président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker.

54e premier ministre du pays, Mme May, une fille de pasteur, est réputée pour sa détermination, sa force de travail, mais aussi une certaine froideur.

« J'ai hâte », dit Juncker

Elle hérite d'un Royaume-Uni que le référendum a laissé sens dessus dessous, entre turbulences économiques et pression des dirigeants de l'UE pour que Londres engage au plus vite la procédure de divorce.

« J'ai hâte de travailler étroitement avec vous et d'apprendre vos intentions à ce sujet », l'a aussitôt pressée M. Juncker dans une lettre diffusée sur Twitter.

photo Dominic Lipinski, REUTERS

Theresa May est reçue par la reine Élisabeth II à Buckingham Palace, le 13 juillet.

photo Adrian DENNIS, AFP

David Cameron, accompagné de sa femme et de ses deux enfants, a quitté pour la dernière fois le 10 Downing Street en souhaitant à son pays qu'il « aime tant » de « continuer à réussir ».

Un « sommet ou une rencontre » sur les suites du Brexit entre le président français François Hollande, la chancelière allemande Angela Merkel et le président du Conseil italien Matteo Renzi se tiendra fin août en Italie.

Mme May, une eurosceptique qui avait rejoint le camp du maintien dans l'UE pendant la campagne référendaire, n'a pas dévoilé ses intentions mercredi.

Elle avait prévenu auparavant qu'elle ne comptait pas activer l'article 50 du Traité de Lisbonne - qui lance le processus de sortie de l'UE - avant la fin de l'année.

Lors de sa dernière séance de questions devant le Parlement, David Cameron l'a invitée à ne pas complètement tourner le dos aux 27 autres membres de l'union.

« Nous devons essayer d'être aussi proches de l'UE que possible », a-t-il déclaré.

« Il est vital pour notre industrie d'avoir un bon accès au marché unique, cela devra être une priorité », a ajouté M. Cameron, avant de recevoir une ovation debout des députés tories, mais aussi de quelques travaillistes.

La nouvelle première ministre a annoncé mercredi soir une partie de son gouvernement que la presse britannique prévoit beaucoup plus féminin que le précédent.

L'ancien maire de Londres et figure de proue du camp du Brexit Boris Johnson a été nommé ministre des Affaires étrangères. Philip Hammond a quant à lui été nommé ministre britannique des Finances, devenant ainsi le numéro 2 du gouvernement de Theresa May. David Davis a été nommé ministre du Brexit.

Les premiers jours de la nouvelle première ministre devraient également être scrutés de près par les marchés, en quête de certitudes après le choc du référendum.

L'émotion de Cameron

La livre s'est reprise de plus de 4 % par rapport à ses plus bas en 31 ans atteints la semaine dernière. Mais la Banque d'Angleterre pourrait assouplir dès jeudi sa politique monétaire afin de faire face à la détérioration des perspectives économiques du Royaume-Uni.

Pour David Cameron, qui avait prôné le maintien dans l'UE, c'est une nouvelle vie qui commence. Le dirigeant conservateur a remporté deux élections législatives (2010 et 2015), survécu au référendum d'indépendance de l'Écosse... mais restera pour l'Histoire le premier ministre du Brexit.

« Ca a été le plus grand honneur de ma vie de servir notre pays comme premier ministre ces six dernières années », a-t-il souligné devant Downing Street avant de remercier, très ému, ses enfants et son épouse, « l'amour de (s)a vie ».

« Cela n'a pas toujours été facile (...), mais aujourd'hui notre pays est plus fort », a-t-il encore dit louant son bilan économique.

Alors que le pays se dote d'un nouveau leader, l'opposition travailliste reste secouée par une profonde crise de leadership, énième répercussion du référendum.

Visé par une fronde de ses parlementaires, le chef du parti Jeremy Corbyn a remporté mardi soir une victoire cruciale contre ses opposants après la décision du comité exécutif du parti de l'autoriser à se présenter lors de nouvelles élections pour la direction du Labour.

Il sera défié par au moins deux candidats, Angela Eagle et Owen Smith lors de l'élection qui doit se dérouler cet été.

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«Nous devons essayer d'être aussi proches de l'UE que possible», a déclaré le premier ministre britannique David Cameron, en s'adressant à Theresa May qu'il a qualifiée de «brillante négociatrice».

Les travaux de Theresa May

(Clare BYRNE - LONDRES) - Négocier la sortie de l'UE, soutenir l'économie en période d'incertitudes, rassembler le parti conservateur et un pays déchirés par le Brexit: l'ampleur de la tâche qui attend la nouvelle Première ministre britannique, Theresa May, donne le vertige.

Former un gouvernement

La première tâche de Theresa May sera de former un gouvernement, comprenant un ou une ministre chargée du Brexit.

Les femmes devraient avoir la part belle dans ce cabinet, qui devrait aussi inclure des partisans du Brexit, comme le directeur de campagne de Mme May, Chris Grayling, ou encore des ministres expérimentés, comme le chef de la diplomatie Philip Hammond.

Lancer la procédure de divorce

Theresa May a soutenu le maintien dans l'UE pendant la campagne du référendum mais elle assure maintenant qu'elle va mettre en oeuvre le Brexit et compte en «faire un succès».

Avant l'accélération de son arrivée au pouvoir grâce au retrait de ses rivaux, elle avait dit qu'elle ne déclencherait pas l'article 50 du traité de Lisbonne lançant la procédure de divorce avant la fin de l'année.

Elle est toutefois sous pression des dirigeants européens, mais aussi des partisans du Brexit dans le pays, qui souhaitent le voir mis en oeuvre sans délai.

Négocier «le meilleur accord possible»

Theresa May s'est engagée à négocier «le meilleur accord possible» avec l'UE une fois le Royaume-Uni sorti du club.

Principale difficulté: si le pays veut conserver son accès au marché unique européen grâce à la libre circulation des biens, il devra aussi continuer d'accepter celle des personnes, ont prévenu les Européens. Or le Brexit a été acquis largement sur le slogan «stopper l'immigration».

Ce sera le gros point de tension des négociations.

Conforter l'économie

Theresa May va devoir rassurer les investisseurs à un moment où la livre a plongé face au dollar et où la Banque d'Angleterre détecte les premiers signes de risque pour la stabilité financière.

La baisse de la livre a dopé les exportations mais plusieurs fonds immobiliers ont suspendu leurs opérations et les grandes banques envisagent de délocaliser certaines de leurs opérations.

Les marchés restent attentistes même si la nomination de Mme May les a quelque peu rassurés. Et l'incertitude durera quoi qu'il en soit jusqu'à la fin des négociations sur la sortie de l'UE, lui compliquant la tâche pour éviter une récession.

Rassembler les Tories

Theresa May hérite d'un parti conservateur divisé entre adversaires et supporteurs du Brexit, au premier rang desquels l'ex-maire de Londres, Boris Johnson, le ministre de la Justice, Michael Gove, et la secrétaire d'État à l'Énergie, Andrea Leadsom.

Trahisons, coups bas et insultes ont émaillé la campagne du référendum puis la course au pouvoir. Et les trois Brexiters sont tous sortis KO du ring pour la succession de David Cameron. Mais ils se sont cependant sagement ralliés à Mme May, signe que la formation peut serrer les rangs dans l'adversité.

Garder le Royaume uni

L'une des «premières priorités» de Theresa May va être de garder le Royaume uni, l'Écosse menaçant d'un nouveau référendum sur l'indépendance puisqu'elle a voté très majoritairement pour rester dans l'UE et refuse de s'en faire sortir à cause du vote de l'Angleterre.

Sa première ministre, Nicola Sturgeon, s'est déjà rendue à Bruxelles pour tâter le terrain et répète qu'un nouveau référendum, après celui perdu par les indépendantistes en 2014, est sur la table.

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La ministre de l'Intérieur du gouvernement conservateur sortant, Theresa May, âgée de 59 ans, va prendre possession du 10 Downing Street moins de trois semaines après le vote des Britanniques pour sortir de l'Union européenne.