Ministres hués, locaux vandalisés, rassemblements perturbés : la crainte de violences a poussé le Parti socialiste au pouvoir en France à annuler sa traditionnelle université d'été, une décision inédite augurant une campagne difficile pour les élections présidentielle et législatives de 2017.

« En quelques semaines, les permanences du PS ont été attaquées, on a même tiré dessus à l'arme à feu, on veut interdire nos meetings. C'est une situation gravissime », a tonné lundi le premier secrétaire du parti, Jean-Christophe Cambadélis.

« Je ne veux pas me confronter à une guérilla d'une ultra gauche antidémocratique qui a décidé de se faire et les forces de police et le Parti socialiste », a-t-il ajouté, pour justifier l'annulation de l'université d'été du parti, une première historique.

Le premier ministre Manuel Valls a qualifié ce choix de « décision sage », jugeant impossible de « mobiliser des centaines de policiers ou de gendarmes pour un rendez-vous politique ».

Grand-messe réunissant ministres, élus et militants pour prendre le pouls du parti, l'université d'été du PS se tenait depuis 1993 chaque été à La Rochelle (ouest). Cette année, elle aurait dû avoir lieu du 26 au 28 août à Nantes (ouest), mais sera remplacée par des réunions en septembre dans cinq ou six villes de France.

Les appels à perturber la rencontre s'étaient multipliés ces dernières semaines, alors que la France est secouée depuis quatre mois par une fronde à l'ampleur jamais vue sous un gouvernement de gauche.

Les opposants à une réforme du droit du travail, jugée trop libérale, ont déjà organisé onze manifestations, souvent émaillées de violences, des grèves et des blocages de sites pétroliers. Un douzième défilé est prévu ce mardi à Paris.

Dans ce cadre, des dizaines de permanences du PS ont été victimes de dégradations et des membres du gouvernement pris pour cible : Manuel Valls a été hué, le ministre de l'Économie Emmanuel Macron a essuyé des jets d'oeuf et la ministre du Travail Myriam El Khomri a eu droit à une manifestation devant son domicile.

Cette contestation menaçait de s'inviter aux rencontres du PS, avec un rassemblement syndical prévu à Nantes le jour même de son ouverture.

Outre cette fronde nationale, Nantes connaît de fortes tensions liées à un projet d'aéroport au nord de la métropole. Parmi les opposants figurent de nombreux militants de l'ultra gauche, qui s'étaient promis de « rendre impossible cette université d'été ».

« Ridicule »

Dans ce contexte, la mairesse de Nantes, Johanna Rolland, elle-même socialiste, a salué l'annulation de l'université d'été, « une décision responsable qui répond à (sa) demande ».

Même quand ils la comprennent, une partie des socialistes sont navrés par cette décision. « Triste de constater à quel point nous en sommes arrivés... », a tweeté le député Pascal Cherki, membre des « frondeurs » du PS qui n'hésitent pas à voter contre le gouvernement.

D'autres se demandent si l'annulation n'arrange pas l'exécutif, qui risquait d'être chahuté par les militants les plus à gauche, juste avant la tenue de primaires pour désigner le candidat socialiste à la présidentielle de 2017.

Le président François Hollande, tombé à seulement 12 % d'opinions favorables, n'a pas encore officiellement fait acte de candidature, mais devra en passer par cette primaire s'il veut briguer un deuxième mandat.

Quel que soit le candidat retenu, il devra affronter ses opposants de droite, une gauche radicale décidée à en découdre, mais aussi panser les plaies dans son propre camp, ce qui s'annonce difficile.

Un rassemblement du mouvement « Eh oh la gauche », créé par des proches du président Hollande, a illustré la semaine dernière à Bordeaux (sud-ouest) le niveau de tensions au sein du parti : le service d'ordre a dû procéder à de nombreuses évacuations pour que le ministre Stéphane Le Foll puisse se faire entendre. Dans la salle, divisée entre applaudissements et protestations, des insultes ont fusé entre militants.

Cette situation suscite l'ironie dans l'opposition de droite, reléguant au second plan ses propres divisions. « Jusqu'où vont-ils aller dans le ridicule ? Un parti qui ne se réunit plus n'est plus un parti », s'est gaussé le député Eric Ciotti du parti Les Républicains dirigé par l'ex-président Nicolas Sarkozy.