Les trois kamikazes de l'aéroport d'Istanbul, saisis par des caméras de surveillance, auraient pu faire un carnage encore pire : ils avaient prévu de prendre en otage des dizaines de voyageurs avant d'actionner leurs explosifs, a rapporté vendredi un quotidien turc.

Trois jours après le triple attentat suicide qui a fait 44 morts à l'aéroport international d'Atatürk, l'attaque - la quatrième et la plus meurtrière en Turquie depuis le début de l'année - n'avait toujours pas été revendiquée mais les responsables du pays ont pointé le groupe Etat islamique (EI).

«Ils disent qu'ils font ça au nom de l'islam, mais ça n'a rien à voir avec l'islam», a lancé vendredi le président turc Recep Tayyip Erdogan. «Leur place est en enfer».

Des images extraites des caméras de surveillance de l'aéroport montrent trois hommes portant des vestes de couleur sombre. Sur l'une des captures d'écran, on peut apercevoir un policier en civil qui demande à l'un des assaillants ses papiers d'identité, puis il est agenouillé et menacé par une arme à feu.

Selon le quotidien Sabah, proche du gouvernement, le bilan du carnage aurait pu être encore plus élevé si les assaillants n'avaient pas été interceptés car ils voulaient à l'origine prendre des dizaines de passagers en otage pour se faire sauter avec eux.

«Ennemi numéro 1»

Vendredi, des diplomates d'une douzaine de pays, vêtus de noir, ont rendu hommage aux victimes de l'attentat à l'aéroport Atatürk.

«Le terrorisme frappe aussi ici, dans un pays majoritairement musulman», a déclaré à l'AFP Henri Vantieghem, consul général de Belgique, autre pays frappé par le terrorisme. «Tout ce qui touche la Turquie touche les pays européens», a-t-il ajouté.

Dans le cadre de l'enquête, la police a arrêté 24 personnes à Istanbul (13 jeudi et 11 vendredi), dont 15 étrangers, selon des sources de sécurité citées par l'agence de presse progouvernementale Anadolu. Neuf autres personnes ont été arrêtées dans la province occidentale d'Izmir mais leur lien avec l'attentat n'a pas pu être confirmé.

Les autorités ont affirmé que les kamikazes étaient un Russe, un Ouzbek et un Kirghiz tandis que l'agence Anadolu, elle, avançait les noms de Rakim Bulgarov and Vadim Osmanov, sans préciser leur nationalité.

Les ex-républiques soviétiques d'Asie centrale font partie des plus importants fournisseurs de djihadistes en Syrie et en Irak. Près de 7000 ressortissants de Russie et des ex-républiques soviétiques, dont celles d'Asie centrale, combattent au sein de l'EI, a affirmé le président russe Vladimir Poutine.

Des médias turcs ont identifié un Tchétchène du nom d'Akhmed Tchataïev comme le cerveau de l'attentat de l'aéroport. Il serait le chef de l'EI à Istanbul et aurait également organisé les attaques près de Taksim (en mars) et Sultanahmet (janvier), au coeur d'Istanbul, selon le quotidien Hürriyet.

Pour Michael McCaul, président de la Commission de la Sécurité intérieure à la Chambre des représentants américaine, Chataïev est «probablement l'ennemi numéro un dans la région russe du Caucase du Nord. (...) Il a effectué plusieurs voyages en Syrie et est devenu l'un des hauts commandants du ministère de la Guerre de l'EI», a-t-il dit à la chaîne CNN.

Odeurs chimiques

Selon Hürriyet, les trois assaillants avaient loué un appartement dans le quartier stambouliote de Fatih, densément peuplé de Syriens, Palestiniens, Libanais et Jordaniens, payant une avance de 24 000 livres turques (10 000 $) pour un an.

Une voisine du dessus, qui ne les a jamais vus, raconte s'être plainte auprès des autorités d'odeurs chimiques se dégageant de l'appartement après minuit. «La police est venue me voir après les attaques... J'ai habité au-dessus de bombes», dit-elle.

Un ordinateur a été retrouvé dans une poubelle près de cet appartement, mais il aurait été endommagé, a rapporté Anadolu.

La Turquie est plongée depuis près d'un an dans un climat de violence avec une multiplication d'attentats sur son sol, revendiqués par le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) ou attribués par les autorités à l'EI.

L'Allemagne a exhorté vendredi ses ressortissants à être prudents s'ils se rendaient en Turquie.

Par ailleurs un des organisateurs de l'attentat suicide kurde d'Ankara, qui a fait 28 morts en février, a été tué dans une opération antiterroriste dans le sud-est de la Turquie, une région à majorité kurde, a-t-on appris vendredi. «Mehmet Sirin Kaya, un cerveau de l'attentat-suicide du 17 février contre des militaires à Ankara, a été tué dans des opérations antiterroristes à Lice, Diyarbakir», ont affirmé des responsables, sous couvert d'anonymat.

Cette attaque avait été revendiquée par les Faucons de la liberté du Kurdistan (TAK), un groupe radical affilié au PKK, qui mène depuis 1984 contre l'État turc une rébellion ayant fait plus de 40 000 morts.