Le chef du gouvernement conservateur sortant Mariano Rajoy va tenter de gouverner l'Espagne après la victoire de son camp aux législatives, mais ses adversaires socialistes n'étaient pas prêts lundi à lui faciliter la tâche.

« Nous réclamons le droit de gouverner », a lancé Mariano Rajoy, 61 ans, après que son Parti Populaire (PP) soitt arrivé en tête du second scrutin en six mois, avec 137 sièges à la chambre des députés. La bourse de Madrid a salué sa victoire et son indice vedette, l'Ibex 35, a pris plus de 3 % après l'ouverture des marchés.

Lundi matin, Mariano Rajoy a annoncé qu'il appellerait les socialistes et le parti libéral Ciudadanos pour lancer des négociations.

« Nous avons encore beaucoup de choses à faire, qui ne seront pas faciles », a-t-il dit.

Le PP a gagné 14 sièges et quelque 500 000 voix depuis les élections de décembre, mais reste loin de la majorité absolue de 176 députés sur 350. Comme après le précédent scrutin, il a toujours besoin des voix d'autres partis ou au moins de leur abstention pour obtenir la confiance du Parlement.

Le Parti socialiste (PSOE), arrivé deuxième avec 85 députés, refusait de l'aider lundi. Interrogé à la télévision sur la possibilité d'une abstention, le numéro 2 du parti, Cesar Luena, a répondu: « La décision viendra en son temps, mais notre vocation est d'évincer Rajoy ». « Nous n'appuierons Rajoy ni par action ni par omission », a-t-il assuré, répétant la position officielle du parti pendant la campagne électorale.

Le porte-parole du groupe parlementaire socialiste Antonio Hernando a été plus nuancé. « Je ne vois pas de possibilité d'une grande coalition [avec le PP] ni d'une abstention [en sa faveur] mais le PSOE doit réfléchir », a-t-il dit.

Si le PSOE ne changeait pas d'avis, M. Rajoy aurait du mal à former une coalition pour gouverner, même avec l'appui des 32 députés du Parti libéral Ciudadanos.

Éviter un « troisième tour »

Le chef de Ciudadanos, Albert Rivera, devrait lui aussi monnayer son appui. Dimanche soir, il ne réclamait plus le départ de Mariano Rajoy comme il le faisait pendant la campagne, mais il a insisté pour des changements dans la politique du gouvernement.

Le secrétaire général du PSOE, Pedro Sanchez, sera cependant sous pression.

Le quotidien de centre gauche El Pais, le plus lu du pays, considérait lundi le Parti socialiste devait « écouter le mandat des électeurs, qui souhaitent qu'il reste dans l'opposition ». Il estimait que les socialistes devaient permettre « au parti qui dispose des votes suffisants » de gouverner.

Tous les partis ont promis de tout faire pour éviter de rappeler les électeurs aux urnes pour un « troisième tour ».

Ils seront vite appelés à leurs obligations par le contexte du Brexit, qui mobilise l'Europe et a déjà entraîné une chute sans précédent de la bourse espagnole vendredi.

M. Rajoy a promis de consulter ses adversaires avant de se rendre au Conseil européen convoqué mardi pour faire face au départ du Royaume-Uni de l'Union européenne.

Si Mariano Rajoy est le grand vainqueur du scrutin, la coalition Unidos Podemos, formée par le parti anti-austérité Podemos et Izquierda Unida, héritier du Parti communiste, est le grand perdant.

Elle a perdu 1,2 million de voix en six mois, même si par le jeu du système électoral elle a conservé 71 sièges, autant que quand les deux partis s'étaient présentés séparément en décembre. « Nous espérions un résultat différent », a reconnu la mine sombre le chef de Podemos Pablo Iglesias. Il va falloir réfléchir ».

Les conservateurs ont axé leur campagne contre eux, mettant en garde contre les expériences « des extrémistes » et « des populistes ».

Les partisans de Mariano Rajoy en liesse scandaient ironiquement le slogan de Podemos: « si se puede, si se puede » (oui c'est possible), dimanche soir.

David Fernández, un étudiant en médecine de 22 ans, était de la fête. Il avait voté pour Ciudadanos mais était content du résultat « parce qu'il nous fallait enfin un gouvernement ».