La France a commencé à puiser dans ses réserves pétrolières face au blocage de raffineries affectées par un conflit social porté par des opposants à une réforme du droit du travail, qui menace de s'étendre à la production d'électricité.

Le blocage de raffineries et de dépôts de carburant a contraint «depuis deux jours» à puiser dans les stocks, a indiqué mercredi l'Union française des industries pétrolières, une annonce qui risque de nourrir l'inquiétude de l'opinion publique et faire monter la pression sur le gouvernement socialiste.

Le gouvernement a confirmé que trois jours de réserves sur les 115 disponibles avaient été utilisés jusqu'à présent.

«Tout sera mis en oeuvre pour assurer l'approvisionnement» en carburant, a indiqué mercredi le président François Hollande alors que les transporteurs routiers craignent un ralentissement critique de l'activité économique du pays.

«Le carburant est un élément indispensable de notre métier. Si on ne peut plus livrer les magasins, les grandes surfaces, on va mettre la France à genoux», prévenait ainsi Pascal Barré, patron d'une société en région parisienne.

Six raffineries des huit que compte le pays sont au ralenti ou à l'arrêt. Onze blocages de dépôts de carburants ont été levés par les forces de l'ordre, tandis que plusieurs départements ont limité la distribution de carburant et réquisitionné des stations-service pour les services prioritaires.

Le conflit né d'une réforme contestée du droit du travail, présentée comme la dernière grande mesure du mandat de François Hollande, pourrait en outre affecter la production d'électricité avec un appel à la grève jeudi dans les 19 centrales nucléaires.

Le personnel de la centrale de Nogent-sur-Seine (centre-est) a déjà voté mardi le blocage du site.

Inquiet des «conséquences» pour les entreprises et l'attractivité de la France, l'ensemble des organisations patronales a appelé l'État à «veiller au respect du droit» et à «prendre les mesures permettant de garantir l'intérêt général, la liberté de travailler et de circuler librement».

Le porte-parole du gouvernement, Stéphane Le Foll, a néanmoins rejeté à ce stade l'idée de réquisitionner des employés dans les raffineries en grève, alors que les appels à droite en ce sens se multiplient pour éviter une paralysie du pays.

Sur les rails, le trafic était aussi perturbé mercredi, avec trois trains à grande vitesse sur quatre en circulation, mais la grève des cheminots était moins suivie que la semaine dernière.

«Cap difficile»

«Tant que le gouvernement refuse de discuter, il y a des risques que la mobilisation s'amplifie», a prévenu sur la radio France Inter le leader de la CGT, Philippe Martinez. Une menace pour le gouvernement à moins de trois semaines de l'ouverture de l'Euro de football (soccer).

Selon la presse, ce syndicat «joue gros» en adoptant un comportement «jusqu'au-boutiste». «Ils jouent avec le feu, car dans un contexte très tendu, le pourrissement d'un mouvement social peut déboucher sur les pires violences», estime le quotidien Sud-Ouest.

Le secrétaire général de Force ouvrière, Jean-Claude Mailly a aussi assuré «ne pas être dans l'esprit d'arrêter» la mobilisation.

Le gouvernement, pour qui les blocages sont le fait d'une minorité prenant «en otage» le pays, n'a pas l'intention de retirer sa réforme sur le Code du travail en dépit des critiques sur sa tournure libérale.

«Nous savons que nous devons passer ce cap. Ce cap est un peu difficile. Les réformes dans ce pays sont difficiles, il ne faut pas se le cacher», a commenté le secrétaire d'État aux relations avec le Parlement, Jean-Marie Le Guen.

De son côté, le syndicat réformiste CFDT a même estimé que retirer cette réforme serait «inacceptable».

«Il est hors de question que le gouvernement renonce à ses engagements, que ce soit en retirant la loi ou en la vidant de sa substance. Ce serait un coup dur pour les salariés, car ils perdraient le bénéfice des nouveaux droits reconnus par le texte», a déclaré le numéro un de la CFDT, Laurent Berger.

Signe de l'impasse dans laquelle est plongée le gouvernement, à moins d'un an de l'élection présidentielle, l'ancien ministre de l'Économie Arnaud Montebourg lui a suggéré de sortir de la contestation sociale en organisant un référendum.