Quelque 68 000 manifestants, selon les autorités, plus de 220 000 selon la CGT, ont défilé contre le projet de loi travail mardi en France pour «se faire entendre encore plus fort», lors d'une sixième journée de mobilisation marquée par de nouveaux débordements.

«Retrait, retrait de cette loi du pognon, c'est la loi des patrons», crachait la sono du défilé parisien sous haute surveillance policière, rassemblant près de 12 000 personnes, selon la préfecture de police, 55 000 selon la CGT. Des incidents ont éclaté en fin de parcours: les forces de l'ordre ont tiré des gaz lacrymogènes, notamment à l'arrivée place Denfert-Rochereau, où des manifestants ont jeté des pavés.

Dans l'Hexagone, la mobilisation a été supérieure aux 55 000 manifestants recensés par les autorités jeudi dernier. Selon la CGT, elle a même bondi : 220 000, «c'est deux fois plus que le 12 mai, et ce, alors que les modes d'action diversifiés se multiplient».

Des incidents et «dégradations limitées», selon le ministère de l'Intérieur, se sont aussi produits à Nantes (entre 3500 manifestants, selon la police et 10 000, selon les syndicats) et Rennes (1100 à 2000 manifestants).

Entre 6200 et 80 000 personnes ont défilé à Marseille, 2300 à 8000 à Toulouse, 1900 à 7000 à Lyon, 1600 à 7000 à Grenoble, 1500 à 3000 à Lille, selon les sources.

Au total, onze policiers ont été blessés, dont un grièvement à Lyon, «victime d'un jet de projectile», selon le ministère.

87 personnes ont été interpellées, s'ajoutant aux 1300 interpellations recensées depuis le début des manifestations contre la loi travail, dont 819 gardes à vue.

Les services de sécurité des syndicats avaient été musclés. Celui de la CGT, attaqué par des manifestants le 12 mai, était ainsi très visible à Paris. Fait inhabituel, certains membres des services d'ordre, conspués par des jeunes aux cris de «SO collabos», étaient équipés de matraques ou de bâtons.

PHOTO AFP/LIONEL BONAVENTURE

Des membres du service de sécurité de la CGT équipés de bâtons.

Les casseurs, «ça suffit et ça ne pourra pas rester sans réponse», avait prévenu mardi matin François Hollande, assurant qu'il ne «céderait pas» sur une réforme «concertée» et «corrigée».

Cette journée d'action, à l'appel de la CGT, FO, FSU, Solidaires, Unef, UNL et Fidl, et celle prévue jeudi, sont les sixième et septième en un peu plus de deux mois contre le texte de la ministre du Travail Myriam El Khomri.

«Avec cette loi, les patrons feront ce qu'ils veulent des salariés», a résumé Éric Sarcinella, électricien de 52 ans défilant à Lyon.

«Les oreilles bouchées»

Adopté sans vote la semaine dernière après recours à l'article 49-3, le projet instaure la primauté des accords d'entreprise sur ceux de branche en matière de temps de travail.

Avec un accord d'entreprise, la majoration des heures supplémentaires pourra être baissée à 10% au lieu des 25% généralement pratiqués, faisant craindre notamment aux routiers une chute de leur rémunération.

La mobilisation des routiers s'est traduite par des blocages de zones portuaires et industrielles, des opérations escargot et des barrages filtrants.

S'insurgeant contre «les choses fausses» qui se disent, notamment sur les heures supplémentaires, le patron de la CFDT Laurent Berger a souligné que la CFDT Routes ne voulait pas «remettre en cause les dispositions» en la matière. Le syndicat étant majoritaire dans cette branche, «eh bien il n'y aura pas de négociation sur ce sujet-là et ça ne bougera pas!», a-t-il assuré sur BFMTV.

«Le mouvement social continue», a affirmé mardi soir la CGT, citant notamment un appel à la grève à partir de mercredi à la SNCF, où des revendications internes s'ajoutent au rejet du projet de loi travail.

Les syndicats entendent relancer le mouvement, dont l'intensité a baissé depuis la manifestation de 390.000 personnes (1,2 million selon les syndicats) le 31 mars.

Pour Solidaires, cette semaine sera «déterminante en termes de mobilisation».

«On va se faire entendre encore plus fort», a affirmé Philippe Martinez (CGT), regrettant que le président ait «les oreilles bouchées».

Jean-Claude Mailly de FO a lui souligné qu'il était encore possible de «modifier le texte», attendu au Sénat en juin, avant son retour d'ici à fin juillet à l'Assemblée nationale pour adoption définitive.