Le Haut-Commissaire de l'ONU aux droits de l'homme a dénoncé mardi une série de violations apparemment commises par les forces de sécurité et militaires turques, incluant des tirs contre des civils désarmés et la mort d'une centaine de personnes dans un brasier.

Zeid Ra'ad Al Hussein a exprimé sa profonde inquiétude au sujet d'informations émanant de «diverses sources crédibles» sur les actions menées par les forces de sécurité dans le sud-est du pays, à domination kurde, au cours des derniers mois.

«L'impression qui émerge, bien qu'encore sommaire, est extrêmement alarmante», a-t-il dit dans un communiqué.

Les autorités turques ont imposé un couvre-feu dans la ville de Cizre et dans d'autres localités de cette région afin de faire fuir les rebelles proches du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) qui avaient érigé des barricades et creusé des tranchées.

«Je condamne fortement les violences et autres actes illégaux commis par des groupes de jeunes et par d'autres agents non étatiques, qui seraient affiliés au PKK, à Cizre et dans d'autres zones, et je déplore toute perte de vie résultant d'actes terroristes où qu'ils adviennen», a déclaré Zeid Ra'ad Al Hussein.

Mais il a souligné qu'il était «essentiel que les autorités respectent les droits de l'homme lorsqu'elles mènent des opérations de sécurité ou antiterroristes - et le droit international interdisant la torture, les meurtres extrajudiciaires, le recours excessif à la force meurtrière et la détention arbitraire doit être respecté».

Le Haut-commissaire a indiqué qu'il avait reçu des rapports sur des civils désarmés, dont des femmes et des enfants, «intentionnellement pris pour cible par des tireurs embusqués ou par des tirs émanant de chars ou d'autres véhicules militaires».

«Le plus troublant, a dit M. Zeid, ce sont les rapports citant des témoins et des proches à Cizre qui suggèrent que plus de 100 personnes seraient mortes brûlées vives, alors qu'elles avaient trouvé abri dans trois sous-sols encerclés par les forces de sécurité.»

Il a exigé une enquête exhaustive, mais a relevé que jusqu'à présent, Ankara ne semble pas avoir déclenché d'enquête et n'a pas donné son accord à une demande du Haut-commissariat à se rendre sur les lieux.

M. Zeid a noté que plus d'information avait émané de Cizre que d'autres localités du sud-est, qui ont été bouclées pendant des semaines sans interruption, et qui restent quasiment impossibles à atteindre, en raison d'une forte présence des forces de sécurité.

«Un tel manque d'information, en 2016, sur ce qui se passe dans une zone si grande et si facile à accéder géographiquement est à la fois extraordinaire et profondément inquiétant», a-t-il déploré.

«Ce black-out ne fait que nourrir les suspicions sur ce qui se passe sur place», a-t-il ajouté, en exigeant un accès à cette région pour le personnel des Nations Unies, d'autres enquêteurs impartiaux, y compris des journalistes.

PHOTO ILYAS AKENGIN, ARCHIVES AFP

Une femme regarde par la fenêtre de sa maison criblée de projectiles, à Cirze, le 8 mars. 

Attaque à la voiture piégée contre la police à Diyarbakir

Trois personnes ont été tuées et 42 blessées mardi dans l'explosion d'une voiture piégée au passage d'un car de police à Diyarbakir, principale ville du sud-est à majorité kurde de la Turquie, a annoncé le gouvernorat local.

La puissante explosion s'est produite dans le centre-ville et a blessé 45 personnes, 12 policiers et 33 civils, a détaillé le gouvernorat de Diyarbakir dans un communiqué.

Trois blessés ont ensuite succombé à leurs blessures, a indiqué le gouvernorat, sans préciser toutefois si les morts étaient des policiers ou des civils.

L'attaque a été attribuée au PKK par l'agence de presse progouvernementale Anatolie. Le PKK a repris la lutte armée contre les forces de sécurité turques l'été dernier après une trêve de deux ans.

Dans le car de police visé se trouvaient aussi des suspects interpellés par la police lors d'une rafle dans les milieux proches du PKK, selon le communiqué du gouvernorat de Diyarbakir.

Le sud-est à majorité kurde de la Turquie vit au rythme des combats quotidiens entre forces de sécurité turques et rebelles depuis la reprise des hostilités l'été dernier qui a sonné le glas des pourparlers de paix entre Ankara et le PKK pour mettre un terme à une rébellion qui a fait 40 000 morts depuis 1984.

Le 31 mars dernier, sept policiers avaient perdu la vie dans un attentat similaire dans une banlieue de Diyarbakir, à la veille d'une visite du premier ministre Ahmet Davutoglu dans la ville.

Deux policiers ont par ailleurs été tués mardi dans l'explosion d'une bombe artisanale dans la province de Van, également dans le sud-est de la Turquie. Cinq militaires ont également été blessés dans la province voisine de Mardin par l'explosion d'une bombe au passage de leur convoi.

Les opérations lancées par l'armée pour neutraliser les militants du PKK, qui ont dressé des barricades dans plusieurs villes du sud-est et proclamé un «soulèvement urbain», ont tué des dizaines de civils et provoqué l'exode de dizaines de milliers d'autres.

Des centaines de rebelles ont été tués dans les heurts par les forces de sécurité qui ont essuyé aussi de nombreuses pertes dans leur rang.