La justice française a confirmé lundi en appel la peine de quatre ans de prison ferme infligée au fondateur de la société PIP dont les prothèses mammaires, implantées chez des dizaines de milliers de femmes dans le monde, étaient fabriquées au mépris de toute norme sanitaire.

Jean-Claude Mas, 76 ans, a de nouveau été reconnu coupable de fraude aggravée, et d'escroquerie à l'égard de la société allemande de certification TÜV, qu'il a bernée sur la composition du gel qui a empli les prothèses pendant des années.

Il devra également payer une amende de 75.000 euros et se voit définitivement interdire d'exercer dans le domaine de la santé et de gérer une société.

À la sortie du tribunal, Jean-Claude Mas a refusé de s'exprimer, mais son avocat a annoncé qu'il allait se pourvoir devant la Cour de cassation - la plus haute juridiction française -, ce qui suspendra l'exécution de la peine.

«Je suis déçue, on voulait le voir avec les menottes et partir en prison», a lâché Alexandra Blachère, qui préside l'association PPP qui regroupe 2.589 victimes, à l'annonce de ce pourvoi.

La cour d'appel d'Aix-en-Provence (sud) a également confirmé la culpabilité de quatre anciens cadres de la société, condamnés à des peines allant jusqu'à trois ans d'emprisonnement, dont un an ferme pour l'ancien directeur financier et directeur général de PIP, Claude Couty.

Le parcours judiciaire de M. Mas, ancien épicier devenu l'un des plus importants fabricants d'implants mammaires du monde en foulant aux pieds toute espèce de règlementation sanitaire, n'est pas terminé.

Il est toujours inculpé dans le cadre de deux autres procédures, l'une pour homicide et blessures involontaires après la mort des suites d'un cancer d'une porteuse de prothèses PIP, l'autre concernant les aspects financiers de l'affaire. Ce qui lui a valu de déjà passer huit mois en détention provisoire en 2012.

«Rien d'un scientifique»

Au cours de son procès en appel, M. Mas avait encore martelé que son gel de silicone «maison», fabriqué à partir d'huile industrielle, ne comportait aucun danger. «Escroquerie ? Je ne comprends toujours pas escroquerie au préjudice de qui», avait-il notamment déclaré.

«Il y a eu beaucoup de tests faits», «je suis un maniaque des tests», n'avait pas hésité à lancer l'apprenti sorcier, dont les gels avaient une composition échappant à tout contrôle et variant au fil du temps.

«Le fait d'utiliser une matière première non conforme, non testée, selon un processus de fabrication artisanale, en variant les proportions et les compositions (...) est générateur d'un risque» pour la santé des femmes ayant de tels implants, avait souligné l'avocat général.

M. Mas n'avait «rien d'un scientifique : son seul souci est financier», son gel ayant été sept fois moins cher à produire que celui, homologué, qu'il aurait dû acheter, avait-il aussi dénoncé.

Les prothèses PIP «craquaient» bien plus souvent que celles des autres marques, finissant par alerter les autorités sanitaires qui ont découvert en 2010 le pot aux roses.

Les employés ont raconté devant la cour une entreprise entièrement soumise à son fondateur, qui ne tolérait pas la critique, et surtout pas sur son gel, «le meilleur du monde».

Dans ce procès hors norme, quelque 7000 femmes se sont portées parties civiles, évoquant pour l'une «une bombe à retardement» installée dans son corps, pour d'autres des «vies gâchées». «Ils ont fait de nous 7000 rats de laboratoire», avait accusé une victime.

Au total, des dizaines de milliers de prothèses mammaires frauduleuses ont été écoulées dans le monde entier, notamment en Amérique du Sud. Les autorités sanitaires françaises font état de 18 000 femmes qui ont dû se faire retirer leurs prothèses, pour partie à la suite de ruptures ou d'irritations. Deux cancers ont été diagnostiqués.