Salariés, étudiants et lycéens français ont de nouveau battu le pavé samedi contre une réforme du droit du travail jugée trop libérale, mais leur mobilisation, émaillée de violences, a marqué des signes d'essoufflement.

Un mois jour pour jour après une première manifestation, environ 120 000 personnes ont défilé dans toute la France, selon le ministère de l'Intérieur. Ils étaient 224 000 le 9 mars et 390 000 le 31 mars lors de manifestations similaires, selon cette source.

Les organisateurs, qui ont recensé 110 000 manifestants rien qu'à Paris, ont attribué ce reflux aux vacances scolaires qui concernent deux tiers du territoire.

«Évidemment, pour les lycéens et étudiants qui sont en vacances, les formes de mobilisation changent», avait déclaré William Martinet, numéro un de l'Unef, le principal syndicat étudiant de France, avant même le départ des cortèges.

Cette théorie pourra se vérifier le 28 avril, date à laquelle les syndicats opposés à la réforme du gouvernement socialiste ont prévu une nouvelle journée de grève et de manifestations.

Samedi, les manifestations ont dégénéré à Nantes et Rennes (ouest), des foyers de la revendication, ainsi qu'en fin de cortège parisien. Dans ces trois villes, des affrontements ont eu lieu entre des jeunes, certains cagoulés et armés de projectiles, et les forces de l'ordre qui ont fait usage de gaz lacrymogène.

À Rennes, au moins quatre personnes, dont trois policiers, ont dû être conduites à l'hôpital. À Nantes, des centaines de jeunes ont érigé des barricades, des vitrines ont été détruites et des journalistes violemment pris à partie.

À Paris, trois policiers ont été légèrement blessés, dont un par un tir de pétard, selon la préfecture de police.

Au total, 26 personnes ont été interpellées, selon le ministère de l'Intérieur.

«Game-over»

À Paris, parmi les slogans, au milieu d'une foule de tous âges, on pouvait lire «Game over - le peuple se réveille». Certains portaient des écriteaux avec simplement écrit «non» et des jeunes, nombreux, scandaient «on lâche rien».

«Les jeunes dans la galère, les vieux dans la misère», criait une jeune femme au haut-parleur dans la manifestation à Lyon (centre-est). «Il y en a marre de l'exploitation capitaliste qui ne fait que s'aggraver», expliquait à Lille (nord) Gérard, retraité de l'enseignement.

En soirée, ce sont les rassemblements citoyens «Nuit Debout», prévus dans près de 60 villes françaises, qui prendront le relais. Depuis le 31 mars, le mouvement s'est réuni tous les soirs sur la place de la République à Paris et a essaimé en province, et même à Bruxelles.

Il dépasse largement les seuls opposants à la loi sur le travail: réfugiés, mal-logement, précarité, exercice de la démocratie, tout y est débattu.

«On n'a plus confiance dans nos représentants, le système est à bout de souffle, il faut que les gens reprennent leur destin en main», estimait Thierry, un professionnel de l'audiovisuel qui a participé à la première «Nuit Debout» organisée à Nice (sud-est) vendredi soir.

L'Unef et les autres organisations étudiantes et lycéennes - qui réclament des mesures contre la précarité grandissante des jeunes - seront reçues lundi matin par le premier ministre Manuel Valls, après l'avoir été déjà mercredi par plusieurs ministres.

Après la première journée de manifestations, le gouvernement socialiste avait déjà lâché du lest et revu de manière substantielle sa copie, si bien que les principaux syndicats réformateurs ne participent pas aux manifestations.

Le projet de réforme, qui sera débattu à partir du 3 mai dans l'hémicycle de l'Assemblée nationale, affiche la volonté de limiter les freins à l'embauche pour tenter de réduire un chômage de masse (10% de la population active) mais est jugé «trop libéral» par ses détracteurs.

Le texte prévoit notamment de changer les critères qui permettent les licenciements économiques.

Il s'agit de la dernière réforme substantielle du président François Hollande, qui bat des records d'impopularité dans les sondages, avant l'élection présidentielle de 2017.