La Commission européenne a sévèrement critiqué mercredi la réaction du président turc Recep Tayyip Erdogan à une chanson satirique à son encontre, diffusée par la télévision allemande, estimant qu'elle n'était « pas en ligne » avec les valeurs européennes.

« Le président Juncker n'apprécie pas cette attitude de faire venir l'ambassadeur allemand juste à cause d'une chanson satirique. Il estime que cela éloigne la Turquie de l'UE plutôt que cela ne la rapproche », a rapporté une porte-parole de la Commission, Mina Andreeva, lors d'un point presse quotidien.

Jean-Claude Juncker « apprécie certes notre coopération et intérêt commun dans la résolution de certains défis, mais cette attitude n'apparaît pas en ligne avec le respect de la liberté de la presse et d'expression qui sont des valeurs que nous chérissons beaucoup », a-t-elle poursuivi.

L'affaire avait débuté avec la diffusion le 17 mars du titre moqueur « Erdowie, Erdowo, Erdogan », produit par la chaîne régionale publique NDR, qui a déplu au chef de l'État turc au point d'entraîner la convocation par Ankara de l'ambassadeur d'Allemagne en Turquie, Martin Erdmann.

« Je peux aussi vous renvoyer à l'entretien accordé par le président Juncker au quotidien allemand Handelsblatt, dans lequel il indique clairement qu'une partie de notre coopération avec la Turquie est de parler ouvertement de ces questions et de soulever ces problèmes, parce que nous voulons que la Turquie se rapproche des standards l'UE dans ce domaine », a encore expliqué Mme Andreeva.

L'Union européenne a multiplié les rencontres avec les autorités turques depuis l'automne 2015 dans l'espoir de trouver une solution à la crise des réfugiés.

Un accord a finalement été scellé le 18 mars, prévoyant le renvoi de tous les nouveaux migrants arrivant sur les îles grecques vers la Turquie. En contrepartie, Ankara a notamment obtenu une relance de son processus d'adhésion à l'UE.

Après la passe d'armes avec Ankara concernant la chanson satirique, la porte-parole du gouvernement allemand Christiane Wirz a indiqué mercredi « ne pas voir de raison supplémentaire d'en parler » avec la Turquie, ajoutant que l'émission « appartient au paysage médiatique allemand », un point de vue que Berlin a exposé aux autorités turques.

En déplacement en Ouzbékistan, le ministre allemand des Affaires étrangères Frank-Walter Steinmeier a de son côté estimé qu'il pouvait « attendre d'un pays partenaire de l'Union européenne qu'il partage nos valeurs européennes communes ».

Cela vaut « pour la liberté de la presse et d'opinion et naturellement aussi pour la liberté artistique, dans la mesure où il s'agit ici de satire », a-t-il ajouté, selon un extrait posté mercredi soir sur son compte Twitter, dans la droite ligne de la position affichée depuis la veille par ses services.