Les autorités turques ont mis en cause dimanche le groupe État islamique (EI) dans l'attentat suicide qui a tué quatre touristes étrangers à Istanbul, dernier en date d'une série d'attaques meurtrières qui ont placé le pays en état d'alerte maximale.

Une menace «sérieuse» d'attentat a également amené le gouverneur d'Istanbul à annuler, deux heures avant le coup d'envoi, un match de football prévu dimanche soir entre les deux grands clubs rivaux de la ville, Galatasaray et Fenerbahçe.

Le ministre de l'Intérieur Efkan Ala a affirmé que le kamikaze qui s'est fait exploser samedi sur l'avenue Istiklal, une artère fréquentée chaque jour par des centaines de milliers de personnes, était un Turc né en 1992, Mehmet Öztürk.

«L'auteur a été formellement identifié. Il a des liens avec l'organisation terroriste Daech (acronyme arabe de l'EI)», a indiqué M. Ala devant la presse.

Le ministre a précisé qu'il ne «figurait pas dans notre liste de personnes recherchées». Mais plusieurs médias turcs, dont le quotidien Hürriyet, ont toutefois affirmé que son nom était parfaitement connu de la police, qui le soupçonnait d'avoir combattu en Syrie et de faire partie d'une cellule turque de l'EI.

Cinq suspects ont également été arrêtés dans le cadre de l'enquête, a ajouté M. Ala.

Selon l'agence de presse Dogan, le père et le frère de l'auteur de l'attentat, originaire de la ville de Gaziantep (sud), ont ainsi été placés en garde à vue.

Le président islamoconservateur Recep Tayyip Erdogan a pour la première fois réagi dimanche à l'attentat. «Nous savons très bien que ces attentats perpétrés sur des lieux publics visent à provoquer la peur et l'abattement de la population», a-t-il dit, mais «la Turquie ne cédera jamais aux exigences du terrorisme».

Dimanche, l'avenue Istiklal et la place Taksim toute proche, d'habitude bondées, ont été largement boudées par des Stambouliotes et des touristes sous le choc.

Selon le dernier bilan turc, l'attentat a tué trois Israéliens, dont deux ayant également la nationalité américaine, et un Iranien et fait 39 blessés, dont 24 étrangers. Le ministère de la Santé a précisé que 15 blessés étaient toujours hospitalisés dimanche à la mi-journée, dont quatre en soins intensifs.

Vague d'attentats

L'équivalent israélien de la Croix-Rouge a annoncé dimanche avoir rapatrié à bord de deux avions cinq ressortissants de l'État hébreu légèrement atteints.

Au lendemain de l'attaque, Israël a recommandé à ses ressortissants de ne plus se rendre en Turquie «au vu de l'aggravation de l'intensité des attentats dans des sites touristiques et des secteurs très fréquentés (...) et par crainte de nouveaux attentats».

La Turquie vit sur le qui-vive depuis l'été dernier et une série inédite d'attentats meurtriers attribués à l'EI qui ont notamment frappé Istanbul et Ankara.

En octobre, deux kamikazes avaient fait 103 morts à Ankara en se faisant exploser au milieu d'une foule de partisans de la cause kurde réunie devant la gare centrale. Puis en janvier, un autre avait tué 12 touristes allemands près de la Mosquée bleue à Istanbul.

Longtemps soupçonnée par ses alliés de complaisance avec les groupes les plus radicaux hostiles au régime de Damas, Ankara a rejoint l'été dernier la coalition antidjihadiste.

Le pays est en outre secoué depuis des mois par la reprise du conflit kurde.

Il y a une semaine, une attaque suicide à la voiture piégée a fait 35 morts et plus de 120 blessés dans le centre de la capitale turque Ankara.

Un groupe radical et dissident du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) l'a revendiquée et annoncé d'autres opérations à venir contre l'État turc, pour venger la mort de dizaines de civils lors des opérations des forces de sécurité en cours contre la rébellion dans les villes du sud-est à majorité kurde du pays.

Depuis l'attentat d'Ankara, le président turc Recep Tayyip Erdogan est mis en cause par ses détracteurs, qui lui reprochent les ratés de ses services de sécurité.

Embarrassé, il a en retour dénoncé la complaisance des Européens pour la rébellion kurde, accusant notamment la Belgique d'avoir autorisé l'installation, près du siège de l'Union européenne (UE) à Bruxelles, une manifestation de sympathisants du PKK.

Lors d'un entretien téléphonique dimanche avec son homologue belge Didier Reynders, le ministre turc des Affaires étrangères Mevlüt Cavusoglu a jugé cet incident «inacceptable» et convoqué l'ambassadeur belge à Ankara pour protester.