Chantage, sexe, insinuations : le procès Vatileaks sur la fuite de documents confidentiels du Vatican se transforme en un duel implacable entre une consultante intrigante, Francesca Chaouqui, et un prélat, Lucio Angel Vallejo Balda, qui semble l'accuser pour mieux se protéger.

Le procès, qui devait se poursuivre vendredi, a été remis au 6 avril: Mme Chaouqui, enceinte de six mois, doit rester allongée trois semaines en raison de problèmes liés à cette grossesse.

Cette immobilisation ne l'a pas empêché de distiller mercredi des insinuations sur Facebook contre Mgr Vallejo Balda, un ancien ami devenu son grand adversaire. Proche de l'Opus Dei, cet ex-secrétaire de la préfecture des affaires économiques du Vatican risque comme elle sa carrière et sa réputation dans ce procès.

Tous deux ont été membres d'une commission d'experts, la Cosea, chargée par le pape de l'assister dans ses projets de réforme de la gouvernance financière du Saint-Siège.

Mais depuis novembre, c'est dans la petite salle vieillotte du tribunal du Vatican qu'ils se retrouvent, au côté d'un ancien collaborateur et de deux journalistes.

Ils sont accusés d'avoir livré de nombreux documents confidentiels aux journalistes Gianluigi Nuzzi et Emiliano Fittipaldi, qui ont écrit des livres sur les dysfonctionnements et les malversations au Vatican.

Déjà interrompu à l'automne, le temps de collecter des fichiers informatiques des accusés, le procès était entré dans le vif du sujet lundi et mardi, avec des audiences qui ont fait apparaître un psychodrame entre deux personnalités complexes et ambitieuses.

Interrogé par le procureur, Mgr Vallejo Balda a affirmé que Mme Chaouqui l'avait placé dans une «situation compromettante», l'accusant à mots couverts de l'avoir entraîné à coucher avec lui dans un hôtel de Florence.

Mise en scène

Il a aussi insisté sur la pression et les menaces constantes de Mme Chaouqui et d'un «monde dangereux» autour d'elle, qui l'auraient conduit à perdre sa lucidité et à livrer aux journalistes les mots de passe donnant accès aux documents secrets.

Le prélat a présenté la consultante comme une manipulatrice, et cité un message d'elle à son encontre : «Je te détruirai dans toute la presse et tu sais que je peux le faire».

À la question insistante du procureur : «Étiez-vous menacé, ou vous sentiez-vous menacé», l'accusé a fini par concéder s'être simplement senti menacé.

Mgr Vallejo Balda semble souffrir d'une certaine paranoïa : il avait souhaité quitter son appartement en ville pour résider au Vatican, sous bonne garde, disant craindre pour sa vie.

Sorti de la cellule de la gendarmerie où il est détenu, ce prélat espagnol brillant et mondain est apparu mal à l'aise et inquiet, cherchant en vain le contact avec les autres accusés, dont Mme Chaouqui.

Au fond de la salle, décoiffée, les traits tirés, mal habillée, Mme Chaaouqi jouait la victime, secouant tantôt la tête incrédule, faisant des grimaces ou semblant pouffer de rire. Avant une audience, elle exhibait des photos d'elle avec des enfants déshérités syriens et africains.

Durant l'interrogatoire, elle allait de long en large, comme si elle ne supportait plus d'être mise en cause. Mardi, elle est sortie de la salle de manière spectaculaire, faisant penser à un malaise.

Dans un texte posté mercredi soir sur Facebook, elle s'est vengée des accusations de Mgr Vallejo Balda, en promettant de révéler par le détail une confession que le prélat lui aurait faite sur sa vie sentimentale, lors d'une nuit à Florence.

Selon Mme Chaaouqi, Mgr Vallejo Balda lui aurait révélé, en larmes, une relation passée constituant un «drame» pour lui en tant que prêtre ayant fait voeu de chasteté.

«Sincère, je lui disais que peu importait de savoir qui il avait aimé, de quel sexe était cette personne», et que «personne ne savait» à Rome, a-t-elle avancé, non sans perfidie.

Dans une déposition écrite à l'automne, citée par la presse, Mgr Balda a cependant donné une version très différente de cette nuit florentine, assurant que Mme Chaouqui l'avait attiré dans son lit, ce qu'elle a toujours nié.