Un groupe radical proche du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) a revendiqué jeudi l'attentat-suicide qui a visé il y a quatre jours le centre d'Ankara, dans un climat de tensions alimenté par de nouvelles menaces d'attaques.

Comme le suggéraient les premiers éléments de l'enquête, ce mouvement dissident du PKK, les Faucons de la liberté du Kurdistan (TAK), a annoncé dans une déclaration publiée sur son site internet être responsable de l'attaque menée sur la place Kizilay, qui a fait 35 morts et plus de 120 blessés.

«Le 13 mars au soir, une attaque suicide a été menée à 18h45 dans les rues de la capitale de la République turque fasciste. Nous revendiquons cette attaque», a-t-il écrit, avant d'en annoncer de nouvelles là où le pouvoir turc «se sent le plus sûr».

Dans ce climat lourd de menaces, l'Allemagne a fermé jeudi son ambassade à Ankara, son consulat général à Istanbul et ses lycées dans les deux villes. Le consulat stambouliote et les deux écoles resteront aussi fermés vendredi.

«Des informations que nous avons prises très au sérieux suggéraient que des attaques étaient prévues contre nos représentations diplomatiques en Turquie», a justifié à Berlin le ministre allemand des Affaires étrangères Frank-Walter Steinmeier.

Le 12 janvier, 12 touristes allemands ont été tués dans un attentat-suicide, attribué au groupe Etat islamique (EI) dans le coeur historique et touristique d'Istanbul.

Le premier ministre islamoconservateur turc Ahmet Davutoglu a assuré de son côté avoir pris «toutes les mesures de sécurité nécessaires».

Les TAK ont justifié l'attentat de dimanche comme une riposte aux opérations meurtrières menées par l'armée et la police turques contre les partisans du PKK à Cizre et dans plusieurs autres villes du sud-est de la Turquie à majorité kurde.

«Cette action a été menée pour venger les 300 Kurdes tués à Cizre», écrivent les TAK, qui ont présenté des «excuses pour les pertes civiles qui n'ont rien à voir avec la sale guerre menée par l'État fasciste turc».

Le groupe a diffusé la photo de Seher Cagla Demir, 24 ans, présentée comme l'auteure de l'attaque, confirmant l'identité de la «kamikaze» déjà publiée par les autorités turques.

Faux-nez

Selon le ministère turc de l'Intérieur, cette femme a été entraînée en Syrie par les Unités de protection du peuple (YPG), le bras armé du principal parti kurde syrien que la Turquie considère comme un mouvement «terroriste».

Les TAK avaient déjà revendiqué un attentat-suicide contre des cars transportant des personnels militaires ayant fait 29 morts en février.

Le PKK dément tout lien avec les TAK, qui se sont illustrées dans le passé par des attentats meurtriers visant des sites touristiques. Mais les autorités ne les considèrent que comme un faux-nez de la rébellion.

Le conflit kurde a repris l'été dernier après plus de deux ans de cessez-le-feu et sonné le glas des discussions de paix engagées fin 2012 par les deux parties.

Dans un entretien mardi dans le Times britannique, le chef du PKK Cemil Bayik confirme la radicalisation de la rébellion, promettant «des combats partout».

Embarrassé par les critiques qui dénoncent les ratés de ses services de sécurité, le président Recep Tayyip Erdogan a promis de riposter en relançant la guerre contre les «complices» des «terroristes» kurdes. «Tôt au tard, nous écraserons tous les terroristes de ce pays», a-t-il lancé.

Son gouvernement presse le Parlement de lever l'immunité parlementaire de plusieurs élus du Parti démocratique des peuples (HDP, prokurde). «S'il y a quelque chose de pire que les attaques terroristes elles-mêmes, ce sont bien les partis politiques qui les soutiennent», a menacé M. Davutoglu.

De son côté, la police a multiplié les arrestations chez les partisans de la cause kurde, avocats, universitaires et élus notamment. Pour des «raisons de sécurité», les rassemblements de masse pour le Nouvel An kurde, le 21 mars, ont été interdits dans plusieurs villes, à l'exception de Diyarbakir (sud-est).

Cette offensive intervient alors qu'un nouveau sommet réunit jeudi l'Union européenne (UE) et la Turquie à Bruxelles sur les migrants. Plusieurs membres de l'UE rechignent à signer un accord avec les dirigeants turcs, accusés de dérive autoritaire.

Le magazine allemand Der Spiegel a ainsi annoncé jeudi que son correspondant avait dû quitter la Turquie faute d'avoir obtenu le renouvellement de son accréditation.