Appât du gain, indifférence, sadisme: huit ans de prison ont été requis lundi contre le Néerlandais Mark van Nierop, surnommé le «dentiste de l'horreur», jugé en France pour y avoir mutilé des dizaines de patients de 2008 à 2012.

Devant le tribunal correctionnel de Nevers (centre), les réquisitions de la procureure Lucile Jaillon-Bru ont fait écho à une expertise psychologique selon laquelle la personnalité du prévenu alliait «absence totale de compassion et cupidité». Le tribunal rendra son jugement le 26 avril.

Dans ce dossier, «on ne trouve que cupidité, indifférence à l'autre, voire jouissance à faire souffrir», a fustigé la magistrate, qui a également demandé le maintien en détention du Néerlandais dans l'attente du jugement, ainsi qu'une interdiction définitive d'exercer.

Selon elle, Mark van Nierop a réalisé «des soins inutiles et douloureux», «des violences dont le but ultime était d'obtenir des remboursements» de l'assurance maladie, avec pour conséquence un «désastre sanitaire».

Sur une centaine de victimes, la procureure a retenu des mutilations pour 53 d'entre elles, demandant une requalification des faits pour 20 autres, notamment en «violences avec préméditation».

Évoquant la personnalité du Néerlandais de 51 ans, elle a décrit «un homme qui n'assume rien», préférant «fuir» quand il doit répondre de ses actes. «Il n'a eu que du mépris pour les gens (...), déclarant qu'ils avaient des dents pourries», a-t-elle asséné.

Marlk van Nierop a observé tout au long de son procès, ouvert le 8 mars, une ligne de défense quasi mutique: «pas de commentaire», a-t-il réagi à chaque cas de plaignant abordé par le tribunal.

Seule exception mercredi, au deuxième jour des débats, quand il avait reconnu être «responsable» avant de lâcher: «j'étais dans une situation psychique où les gens autour de moi ne m'intéressaient pas».

«Glaciation des sentiments»

Dans une longue plaidoirie de près de quatre heures lundi après-midi, son avocate, Me Delphine Morin-Meneghel a dit comprendre que son attitude «puisse être prise pour du mépris», considérant pour sa part qu'il s'agissait d'une «glaciation des sentiments».

Elle a néanmoins soutenu que «dans beaucoup de cas, les faits de violences volontaires n'étaient pas constitués», et assuré que «certains actes pouvant paraître choquants sont en fait conformes aux recommandations» de la profession.

Nicole Martin, présidente d'un collectif regroupant une majorité de plaignants, a estimé à l'issue du réquisitoire avoir «enfin été reconnue comme victime». «Nous sommes bien les victimes et non des hurluberlus», a ajouté cette sexagénaire.

Plusieurs plaignants étaient venus témoigner à la barre de leurs souffrances, comme Sylviane Boulesteix, 65 ans, qui avait confié être restée «sans dents pendant un an et demi» après que le Néerlandais lui en eut enlevé «huit d'un coup».

Recruté par un chasseur de têtes, Mark van Nierop s'était installé en 2008 à Château-Chinon, désert médical au coeur de la région du Morvan.

Dans son cabinet moderne, il pouvait accueillir «entre 18 et 26 patients par jour», selon lui. Il menait grand train, jusqu'à ce que les plaintes s'accumulent. En juillet 2012, il prétend avoir le bras paralysé après un accident domestique et ferme son cabinet.

Fin 2013, alors mis en examen et placé sous contrôle judiciaire, le Néerlandais fuit au Canada pour, selon lui, se «suicider». Il y sera arrêté en septembre 2014, tandis qu'il tentait en effet de mettre fin à ses jours.

Durant les investigations, il s'avèrera qu'il avait déjà fait l'objet de sanctions disciplinaires aux Pays-Bas après des plaintes.

L'un des avocats des parties civiles, Me Charles Joseph-Oudin, s'est inquiété de l'indemnisation des victimes, le dentiste étant insolvable et son assurance ayant annulé son contrat. Une décision de justice est encore attendue sur ce point.

Lundi matin, l'avocate du liquidateur judiciaire de son cabinet a précisé que le passif de Mark van Nierop s'élevait à «1,3 million d'euros».