La Turquie a bombardé lundi à l'aube les camps du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) situés dans le nord de l'Irak en représailles à un nouvel attentat à la voiture piégée, le deuxième en moins d'un mois à Ankara, qui a fait au moins 37 morts.

Quelques heures après cette attaque en plein coeur de la capitale turque, une dizaine de chasseurs-bombardiers ont pilonné les bases des rebelles kurdes dans les montagnes de l'extrême nord irakien, dans les secteurs de Kandil et Gara, a annoncé l'état-major.

L'attentat commis dimanche soir n'a pas été revendiqué, mais les autorités turques ont pointé du doigt la piste des rebelles kurdes.

«Nous pensons que l'un des responsables est une femme ayant des liens avec le PKK», a affirmé sous couvert de l'anonymat à l'AFP un responsable turc. Selon la presse turque, cette femme a été identifiée par ses empreintes digitales comme Seher Cagla Demir.

Si sa cible, des civils, marque une nette escalade, l'attentat de dimanche soir rappelle par son mode opératoire celui perpétré il y a un peu plus de trois semaines dans le même quartier d'Ankara. Le 17 février, un véhicule suicide piégé y avait détruit des bus transportant des personnels militaires, faisant 29 morts.

Un groupe radical dissident du PKK, les Faucons de la liberté du Kurdistan (TAK), a revendiqué cette opération et annoncé de nouvelles attaques, notamment contre les sites touristiques du pays.

Dimanche soir, une voiture piégée est venue se faire exploser contre un bus municipal dans le quartier très fréquenté de Kizilay, siège de nombreux commerces et important noeud des transports en commun de la capitale turque.

Prudence

Selon un nouveau bilan annoncé par le ministre de la Santé Mehmet Müezzinoglu, au moins 37 personnes ont été tuées et 71 étaient toujours hospitalisées lundi matin.

Lundi, la place Kizilay était totalement interdite à la circulation, a constaté une journaliste de l'AFP. Des experts de la police scientifique continuaient à collecter des indices sur le site de la déflagration, protégé des regards par des draps blancs.

Dans leurs premières réactions dimanche soir, les dirigeants islamoconservateurs turcs n'ont pas immédiatement mis en cause les rebelles kurdes. «Nous avons des informations concrètes sur le groupe terroriste à l'origine de l'attaque», a ainsi déclaré le premier ministre Ahmet Davutoglu, sans autre détail.

Les dirigeants avaient été très prompts à attribuer l'attentat du 17 février aux kurdes syriens des Unités de protection du peuple (YPG), avec le soutien du PKK.

Ces deux mouvements avaient catégoriquement rejeté ces accusations.

Jusqu'à la trêve instaurée le 27 février sur le front syrien, Ankara a bombardé à de multiples reprises les positions tenues en Syrie par les YPG, qu'elle considère comme affiliées au PKK qui mène la rébellion sur son sol depuis 1984.

Les États-Unis ont «fermement condamné» dimanche cette attaque, et «réaffirmé leur partenariat solide avec la Turquie (...) dans le combat contre la menace commune du terrorisme», selon le porte-parole du département d'État, John Kirby.

«Soulèvement raté»

L'ambassade des États-Unis en Turquie avait alerté vendredi ses ressortissants sur une «possible attaque terroriste» à Ankara visant «des bâtiments du gouvernement turc».

Depuis l'été dernier, de violents combats ont repris entre les forces de sécurité et le PKK dans de nombreuses villes du sud-est du pays, peuplé en majorité de Kurdes. Ils ont fait de nombreuses morts dans les deux camps et tué des dizaines de civils.

Ces affrontements ont fait voler en éclats les pourparlers de paix engagés par le gouvernement turc avec le PKK à l'automne 2012.

«Le +soulèvement+ lancé par le PKK n'a pas marché. Même la population kurde s'est distanciée de ses opérations dans les villes du sud-est anatolien», a commenté à l'AFP Can Acun, de la Fondation turque pour les recherches politiques, économiques et sociales (Seta). «Frustré, le PKK semble avoir opté pour des actes retentissants».

La Turquie a en outre été frappée à quatre reprises depuis juin par une série d'attentats meurtriers attribués par les autorités au groupe Etat islamique (EI).

Le plus meurtrier d'entre eux, le 10 octobre, avait été perpétré par deux kamikazes qui s'étaient fait exploser au milieu de manifestants de la cause kurde devant la gare centrale d'Ankara, faisant 103 morts.

Quatre mois après des législatives que le parti de M. Erdogan a remporté en se présentant en rempart contre le «chaos», cette succession d'attentats avive la colère.

«Cela fait plus d'une semaine que les gens parlent du risque d'un nouvel attentat à la bombe et l'État ne prend aucune précaution et n'avertit personne», a déclaré à l'AFP Nihat Görgülü, l'oncle d'une des victimes, devant un hôpital ankariote. «Nous avons très peur (...) l'État se moque des citoyens», a-t-il ajouté.