Angela Merkel a maintenu lundi sa politique migratoire malgré la débâcle de son parti lors d'élections régionales et la percée concomitante des populistes de l'AfD, portés par une opposition croissante à l'ouverture aux réfugiés.

«Dans l'ensemble, je vais continuer ce que j'ai fait ces derniers mois», a-t-elle dit devant la presse, tout en reconnaissant que sa solution «durable» centrée sur un consensus européen pour accueillir les réfugiés et sécuriser les frontières extérieures de l'Union européenne n'était «pas encore là».

«Je suis fermement convaincue que (...) nous avons besoin d'une solution européenne, que cette solution a besoin de temps», a ajouté Mme Merkel.

La chancelière a ainsi opposé une fin de non-recevoir aux appels de ses détracteurs, en Allemagne comme en Europe, à changer de politique et à fixer un plafond aux migrants accueillis en Allemagne, après l'arrivée de 1,1 million de demandeurs d'asile en 2015.

Le chancelier autrichien Werner Faymann a encore exhorté lundi son homologue allemande à annoncer publiquement que le temps où les migrants pouvaient traverser l'Europe par centaines de milliers était révolu.

«J'appelle la chancelière Angela Merkel à dire cela clairement et distinctement», a-t-il déclaré au quotidien allemand Die Welt.

«Tremblement de terre»

Sans aller aussi loin, Mme Merkel a admis que la fermeture de la route dite des Balkans par les pays concernés, une décision qu'elle avait vivement critiquée la semaine dernière, profitait à l'Allemagne, même si des dizaines de milliers de migrants se retrouvent coincés en Grèce dans des conditions jugées très difficiles.

«Il est incontestable que l'Allemagne en profite (mais aussi) que cette solution n'est pas durable, on le voit tous les jours aux images provenant de Grèce», a-t-elle relevé.

Sur le front intérieur, le patron de la CSU Horst Seehofer, l'allié bavarois de la CDU qui s'oppose à la politique migratoire généreuse de Mme Merkel, a jugé lundi que «la réponse» à la défaite électorale «ne peut pas être : on continue comme avant».

Pour lui, l'Allemagne a vécu un «tremblement de terre politique» et la chancelière doit éviter «l'écrasement» des chrétiens-démocrates sous l'effet de la poussée des populistes de l'Alternative pour l'Allemagne (AfD) sur sa droite.

Analysant les causes de la défaite de son parti aux élections dans deux régions sur trois dimanche et les scores exceptionnels de l'AfD (entre 12 et 24 %), Mme Merkel a reconnu «une journée difficile» et que sa politique sur les réfugiés a largement «déterminé» le résultat.

L'envolée du jeune parti fondé en 2013 constitue un scénario inédit depuis 1945 et brise un tabou dans un pays toujours en quête d'exemplarité morale après l'horreur nazie.

Pour Mme Merkel cependant, il s'agit avant tout d'un «vote protestataire (dû) à la question non résolue des réfugiés». Selon elle, les scores cumulés des partis soutenant sa politique migratoire (chrétiens-démocrates, Verts et sociaux-démocrates) montrent qu'elle est sur la bonne voie. «C'est bien quand il y a un grand consensus sociétal», a-t-elle dit.

«Crise aiguë»

Avec la percée de l'AfD, l'Allemagne rejoint une tendance européenne plus large, qui voit depuis des années les mouvements d'extrême droite gagner du terrain et s'installer dans le paysage politique, de la Grande-Bretagne à la Slovaquie.

«Jamais un parti n'était entré sur la scène politique (allemande) de manière aussi fracassante. Et celui qui regarde le reste de l'Europe comprend bien que l'AfD ne va pas disparaître comme ça», note le quotidien Stuttgarter Zeitung.

Le résultat des élections est d'autant moins réjouissant pour le gouvernement de Mme Merkel que son partenaire social-démocrate (SPD) prend l'eau aussi. S'il gagne dans une région, il est à moins de 15 % dans les deux autres et se fait doubler par les populistes.

Pour le Tagesspiegel, le principe même des grands partis dans le pays «est sur la sellette», le SPD subissant «une catastrophe structurelle» et la CDU traversant une crise «aiguë».

À l'inverse, la chef de l'AfD, Frauke Petry, a salué sa percée électorale comme «une bonne journée pour la démocratie» alors que l'avenir du pays «est toujours plus en question», citant pêle-mêle «une ethnisation de la violence» et «un appauvrissement des classes moyennes».