Le conservateur Mariano Rajoy a renoncé vendredi à tenter de former un nouveau gouvernement dans l'immédiat, faute de majorité au congrès, laissant la voie ouverte aux socialistes et à la gauche radicale Podemos pour essayer à leur tour.

«Sa majesté le roi a proposé à M. Mariano Rajoy d'être candidat à la présidence du gouvernement. M. Mariano Rajoy a remercié, sa majesté, le roi, mais a décliné l'offre», a annoncé le palais royal dans un communiqué.

«Je maintiens ma candidature, mais je ne peux pas me présenter pour l'instant», a expliqué M. Rajoy à la presse. Il a fait valoir qu'il avait «contre lui une majorité absolue des députés, d'au moins 180» sur 350.

Le roi Felipe VI entamera mercredi une nouvelle ronde de consultations des partis avant de désigner un autre candidat à la formation d'un gouvernement, a annoncé le palais.

Depuis les élections du 20 décembre, M. Rajoy répétait qu'il lui revenait de former un gouvernement en tant que chef du Parti populaire (PP) qui a recueilli le plus de voix (28,7%). Mais il a bien dû admettre vendredi qu'il était dans l'impasse, son adversaire traditionnel, le Parti socialiste, ayant rejeté son offre de pacte de gouvernement à trois , avec le parti libéral Ciudadanos.

Sa décision est tombée après une annonce-choc de Podemos, qui a pour la première fois fermement proposé de «former un gouvernement avec le Parti socialiste et Izquierda unida» (IU, écolo-communistes). Le dirigeant du nouveau parti anti-austérité, Pablo Iglesias, a précisé que lui-même briguerait la vice-présidence du gouvernement. «Ca n'aurait pas de sens que j'aille au débat pour l'investiture quand d'autres négocient déjà la composition du gouvernement», a commenté M. Rajoy.

«Nous avons obtenu que le candidat du PP se retire», a lancé Pablo Iglesias, dans un message transmis à l'AFP.

Le secrétaire général du Parti socialiste ouvrier espagnol (PSOE), Pedro Sanchez, 43 ans, s'est félicité de la proposition de Podemos, mais a souligné qu'il fallait parler de «programme» avant de discuter de la composition du gouvernement. Mais il a  reconnu que «ni les électeurs de Podemos ni ceux du PSOE ne comprendraient que nous ne nous entendions pas».

«Un gouvernement du changement»

Le dirigeant d'IU, Alberto Garzón, a à son tour accepté la proposition et souhaité que les négociations s'engagent au plus vite pour aboutir à «un gouvernement du changement» comme au Portugal et en Grèce.

L'ouverture de Pablo Iglesias, allié du premier ministre grec Alexis Tsipras, dégage le terrain pour une alliance des gauches, à l'image de celle qui gouverne au Portugal depuis novembre.

D'autant qu'il n'a plus présenté comme indispensable l'organisation d'un référendum d'autodétermination en Catalogne (nord-est), condition que les socialistes avaient catégoriquement rejetée par avance. «C'est une proposition qui est sur la table», a-t-il simplement dit.

Le nouveau député de 37 ans, ancien professeur de sciences politiques, est partisan d'une Espagne unie, mais «plurinationale» et souhaite une réforme constitutionnelle en ce sens.

Les législatives du 20 décembre avaient débouché sur un Parlement plus fragmenté que jamais, les électeurs faisant payer aux conservateurs de M. Rajoy comme aux socialistes leurs politiques d'austérité et les scandales incessants de corruption.

Les 119 députés du PP ne lui suffisent pas pour former un gouvernement, face aux 156 sièges que peuvent aligner le PSOE (22% des voix et 89 sièges), Podemos et ses alliés (20,6%, 65 députés) et Izquierda Unida (deux députés).

Pour réunir une majorité de gouvernement, l'alliance de gauche aurait cependant besoin soit de l'abstention des libéraux de Ciudadanos soit du soutien des nationalistes catalans ou basques.

Postes-clefs et mesures sociales

Pablo Iglesias réclame pour son parti des postes clefs, comme les Affaires étrangères ou un nouveau ministère de la «plurinationalité», et un portefeuille pour Izquierda Unida.

Il a demandé l'adoption urgente de mesures sociales, notamment pour freiner les expulsions de logements de particuliers surendettés et prendre en charge les très nombreux chômeurs en fin de droits, ainsi que des mesures de lutte contre la corruption, une réforme de la justice et du système électoral.

Pablo Iglesias a précisé que s'il était au gouvernement, l'Espagne devrait «réduire le déficit à un rythme plus lent» et obtenir de la Commission européenne un assouplissement des délais, rappelant que l'Allemagne et la France avaient été les premiers pays membres à ne pas tenir leurs engagements de réduction du déficit.