Les dirigeants européens ont croisé le fer jeudi à Bruxelles avec David Cameron sur la question du maintien du Royaume-Uni dans l'UE, et ont convenu d'accélérer leur réponse à la crise migratoire, autre défi qui aussi l'unité de l'Europe.

Combatif, le premier ministre britannique a réclamé «une réponse effective» au problème de l'immigration «qui sape le soutien des Britanniques en faveur de l'Union européenne».

«Allons-nous trouver la souplesse nécessaire pour répondre aux préoccupations du Royaume-Uni et travailler ensemble pour y remédier?», s'est interrogé M. Cameron lors d'un dîner de travail avec ses partenaires européens.

Mais ces derniers, réunis pour l'ultime sommet d'une année chaotique, ont prévenu que certaines de ses exigences étaient «inacceptables».

C'est la première fois que les 28 chefs d'État et de gouvernement discutaient ensemble de cette pomme de discorde.

Sous pression des eurosceptiques, M. Cameron, qui organisera d'ici fin 2017 un référendum sur l'appartenance du Royaume-Uni à l'UE, escompte de «réels progrès dans les domaines» dans lesquels il demande des réformes.

Discriminatoire

Il réclame spécifiquement des mesures pour «mieux maîtriser» l'immigration en provenance du reste de l'UE, en particulier d'Europe de l'Est, comme de pouvoir priver les citoyens européens de prestations sociales pendant leurs quatre premières années sur le sol britannique.

Mais nombre de dirigeants européens s'offusquent d'une demande jugée discriminatoire, notamment par la Pologne, la Hongrie, la République tchèque et la Slovaquie.

«Nous voulons un accord équitable avec la Grande-Bretagne, mais il doit aussi l'être pour les 27 autres», a averti le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker.

La chancelière allemande Angela Merkel, elle, ne veut pas «renoncer aux principes fondamentaux de l'UE pour garder Londres dans l'UE». Le président français François Hollande est du même avis, jugeant «pas acceptable de revoir ce qui fonde les engagements européens».

En tout état de cause, le «Brexit» sera à nouveau abordé à un prochain sommet en février, date à laquelle le président du Conseil, Donald Tusk, mise sur un accord.

Garde-frontières

Sur ce dossier, comme sur les autres points abordés (migrants, contreterrorisme, marché intérieur, Union économique et bancaire), aucune décision de fond n'est attendue lors du sommet qui s'achèvera vendredi.

Confrontés à une crise migratoire sans précédent depuis 1945, les 28 ont reconnu jeudi qu'il fallait accélérer le mouvement pour concrétiser les décisions prises ces derniers mois sur la protection des frontières, la répartition des réfugiés ou la coopération avec la Turquie.

«Il s'agit d'agir avec célérité, ensemble» pour endiguer les flux de migrants, a répété M. Juncker.

Il a exhorté les États membres à se ranger derrière sa proposition d'un corps européen de gardes-frontières.

Un projet «audacieux», selon l'exécutif européen, qui prévoit même la possibilité d'intervenir dans un Etat récalcitrant au grand dam de ceux qui, comme la Grèce, craignent de céder leur souveraineté à des «technocrates».

«Il faut protéger nos frontières extérieures», a plaidé M. Juncker, afin de sauver la libre-circulation au sein de l'espace Schengen, pilier de l'intégration européenne.

Les participants n'ont pas formellement donné leur accord jeudi à la proposition de la Commission. D'après les conclusions agréées jeudi soir, il reviendra au Conseil européen (qui représente les 28 États membres) d'adopter sa position sur les garde-frontières durant la prochaine présidence néerlandaise d'ici la fin juin.

La Turquie, partenaire obligé

Cependant, l'UE ne peut agir seule. Précédant le Conseil européen, un «mini-sommet» a rassemblé à huis clos onze pays de l'UE et la Turquie, sous la houlette d'Angela Merkel qui a spectaculairement tendu la main aux réfugiés à l'automne.

Ces pays dits «de bonne volonté» sont prêts à envisager de soulager la Turquie, en acceptant de «réinstaller» certains des réfugiés syriens et irakiens qu'elle accueille, si Ankara garantit l'étanchéité de sa frontière avec l'Union.

Cet effort s'ajouterait à l'aide de trois milliards d'euros que l'UE a déjà promise à Ankara, mais pas encore répartie entre ses membres, ainsi qu'à l'engagement de «redynamiser» les négociations d'adhésion avec ce partenaire obligé.

Selon un rapport de la présidence luxembourgeoise, le nombre des migrants effectuant quotidiennement la périlleuse traversée entre la Turquie et la Grèce n'a que «légèrement» diminué en décembre comparé à novembre, malgré un plan d'action signé fin novembre entre Bruxelles et Ankara.

En outre, le plan de répartition des réfugiés décidé il y a plusieurs mois progresse trop lentement, avec moins de 200 «relocalisés» jusqu'ici sur les 160 000 censés l'être. Les États membres tardent en effet à notifier des places d'accueil disponibles et la mise en place de 11 «hotspots» (centres d'enregistrement) en Italie et en Grèce est encore laborieuse.

Lutte contre le terrorisme

Vendredi, au coeur d'une Europe traumatisée par les attentats du 13 novembre à Paris, les 28 s'attacheront à encourager la mise en oeuvre de mesures déjà décidées pour intensifier la lutte contre le terrorisme et tarir son financement.

Dans la foulée du sommet, leurs ambassadeurs auprès de l'UE devraient prolonger de six mois les sanctions contre la Russie imposées à la suite du conflit ukrainien.

À l'aube de 2016, ce sommet - le treizième de l'année ! - clôt une «annus horribilis» pour un Vieux continent ébranlé par des secousses majeures, de la crise grecque à l'Ukraine en passant par la montée apparemment inexorable des populismes.