Trente-cinq militants indépendantistes basques, dont deux Françaises, accusés d'avoir lutté sur «le front politique» pour l'ETA de 2005 à 2008, ont au contraire revendiqué leur contribution à la paix au Pays basque, jeudi, à l'ouverture de leur procès près de Madrid.

Après plus de huit ans d'attente et de multiples reports, la justice espagnole a ouvert le procès de ces 35 hommes et femmes qui seront jugés, jusqu'en mars 2016, pour «participation à une organisation terroriste».

Ils doivent en fait répondre d'activités politiques - signatures d'articles, conférences de presse, rassemblements... - menées après l'interdiction de l'organisation Batasuna et de deux autres partis indépendantistes. Ils encourent jusqu'à dix ans d'emprisonnement et l'interdiction d'exercer des mandats publics pendant au moins dix ans.

Les militantes basques françaises Aurore Martin et Haizpea Abrizketa comparaissent, libres, devant l'Audience nationale, juridiction spécialisée notamment dans les affaires de terrorisme, aux côtés de dirigeants historiques du parti Batasuna, Pernando Barrena et Juan Jose Petrikonera.

Avant l'audience, les 35 militants se sont présentés en rang serré derrière une grande banderole «plus de procès politiques», devant l'annexe hautement sécurisée de l'Audience nationale, à San Fernando de Henares, près de Madrid.

«Il s'agit très clairement d'un procès de persécution politique dans la mesure où le grave délit que l'on reproche aux 35 militants, c'est d'avoir fait un travail politique», a déclaré à la presse Pernando Barrena, porte-parole du parti indépendantiste Sortu.

Lisant une courte déclaration, Aurore Martin, 36 ans, a assuré: «Nous nous présentons très fiers de notre militance politique et nous pensons que le travail accompli a beaucoup à voir avec le nouveau contexte de paix que nous connaissons au Pays basque».

La majeure partie des accusés sont des membres présumés de Batasuna, parti politique illégal en Espagne depuis 2003, mais autorisé en France jusqu'à son autodissolution en 2013.

Leurs défenseurs considèrent ce procès «anachronique» alors que de nombreux accusés sont désormais membres ou dirigeants du parti Sortu, créé en 2012 et qui dit rechercher la paix.

En janvier, les audiences avaient été repoussées après l'interpellation d'avocats de la défense, sous des accusations de fraude fiscale, de blanchiment et d'endoctrinement de prisonniers pour le compte de l'ETA.

45 ans après le procès de Burgos

Haizpea Abrizketa, mère de famille d'Urrugne (Pays Basque français) de 37 ans, a été la première à déposer, sobrement vêtue d'un pull noir.

«J'ai mené des activités politiques, publiques en de nombreuses occasions», a-t-elle dit pour mieux revendiquer son «droit fondamental» à défendre les idées de la gauche indépendantiste.

Elle a répondu un «non» sonore à la question «avez-vous jamais eu de relation avec l'organisation ETA?»

Haizpea Abrizketa est pourtant la fille d'un militant historique de l'ETA. Quarante-cinq ans auparavant, jour pour jour, le 3 décembre 1970, son père avait comparu au procès de Burgos, pour un attentat contre un policier espagnol.

Ce procès est resté célèbre notamment parce que, pour la première fois, sans huis clos, des militants basques encourant la peine de mort dénonçaient la répression et les tortures subies sous la dictature de Francisco Franco.

Josu Abrizketa avait été condamné à 62 ans de prison. Amnistié en 1977 après la mort de Franco, exilé en France d'où il fut expulsé en 1984, il vit aujourd'hui à Cuba.

L'ETA (Euskadi ta Askatasuna, Pays basque et liberté) a multiplié les attentats meurtriers pendant 40 ans et est tenue pour responsable de la mort de 829 personnes.

L'ETA a renoncé à la violence il y a quatre ans, mais refuse sa dissolution, exigeant notamment une négociation sur le sort de ses quelque 400 détenus.

Selon la Garde civile espagnole, seuls «15 à 20 militants actifs» forment encore sa structure et une centaine de ses membres sont en fuite.

Au Pays basque, beaucoup de partisans du «dialogue» avec les autorités comptent sur un changement de gouvernement à Madrid, à l'issue des législatives du 20 décembre, alors que le chef du gouvernement conservateur, Mariano Rajoy, brigue sa réélection.