Si la Turquie a longtemps réussi à se tenir à un bras du conflit syrien, la guerre dans le pays voisin l'a rapidement rattrapée au cours des derniers mois. Hier, une explosion dans une station de métro d'Istanbul a fait monter encore la tension d'un cran. Quatre mots pour comprendre.

Bayrampasa

À l'heure de pointe, hier soir, les environs de la station de métro Bayrampasa ont été ébranlés par l'explosion d'une bombe artisanale qui a fait au moins cinq blessés. Selon des sources de sécurité interviewées par des médias turcs, l'engin explosif aurait été fixé sous une passerelle qui enjambait la ligne de métro. L'incident d'hier, qui fait l'objet d'une enquête, réveille le spectre du terrorisme qui a maintes fois frappé la Turquie au cours des derniers mois. Le 20 juillet, un attentat survenu à Suruç a fait au moins 33 morts et a incité la Turquie à déclarer la guerre au groupe État islamique (EI). Le 10 octobre, un autre attentat suicide a fait 102 morts et plus de 500 blessés dans la capitale turque. Dans les deux cas, des groupes pro-kurdes étaient visés. Le premier attentat a réveillé le conflit turco-kurde, jusque-là en voie de résolution.

Avion

Le 24 novembre, un F-16 turc a abattu un Soukhoï 24, expliquant que l'avion de chasse russe avait pénétré dans l'espace aérien turc. Selon des experts, c'est la première fois depuis la guerre de Corée qu'un avion appartenant à un membre de l'OTAN abat un avion russe. La réaction de Moscou n'a pas tardé. Vladimir Poutine a vite annoncé des sanctions économiques contre la Turquie et a accusé le pays de s'en être pris à son avion pour protéger «les chemins d'acheminement de pétrole vers le territoire turc» à partir des territoires contrôlés par l'EI. Hier, le président turc, Recep Tayyip Erdogan, a rejeté les accusations russes et a promis de démissionner si quelqu'un pouvait prouver le contraire. En cas de mensonge de la Russie, il a invité son vis-à-vis du Kremlin à donner sa démission.

Réfugiés

Avec 2,2 millions de réfugiés syriens sur son territoire, la Turquie est le principal pays d'asile des hommes, des femmes et des enfants qui fuient le conflit au sud de sa frontière. Dimanche, l'Union européenne a accepté de verser 3 milliards d'euros à la Turquie, en espérant que le pays réussira à endiguer les départs de migrants vers l'Europe. Le lendemain de l'entente, la Turquie a arrêté 1300 migrants qui s'apprêtaient à prendre la mer vers la Grèce. À l'intérieur de la Turquie, la situation demeure tendue entre la population locale et les réfugiés qui tentent de survivre sans permis de travail. Selon le centre de recherche Xsights d'Istanbul, qui a sondé les réfugiés syriens, 82% d'entre eux disent avoir de la difficulté à trouver du travail et 56% affirment ne pas avoir accès aux services sociaux. À Istanbul, Ankara et Izmir, des milliers de femmes syriennes mendient avec leurs enfants pour nourrir leurs familles.

Verrous

Vladimir Poutine n'est pas le seul à remettre en cause les liens de la Turquie avec les groupes djihadistes qui se battent en Syrie. Le directeur et un journaliste du quotidien Cumhuriyet, Can Dündar et Erdem Gül, ont été arrêtés et accusés «d'espionnage» pour avoir publié une vidéo et un article qui, selon eux, démontraient que les services secrets turcs faisaient parvenir des armes à des groupes de combattants en Syrie. S'ils sont reconnus coupables, les deux hommes sont passibles de la prison à vie. De passage à Montréal la semaine dernière, la journaliste turque Amberin Zaman a dénoncé le climat de censure qui prévaut en Turquie sous la présidence d'Erdogan. Depuis deux ans, l'organisation Freedom House considère que la presse n'est plus libre en Turquie. L'organisation Reporters sans frontières, qui a accordé à Can Dündar son prix de la liberté de presse la semaine dernière, note que neuf journalistes sont actuellement derrière les barreaux en Turquie.

- Avec Le Point, l'AFP, l'AP, Hürriyet et Dogan