Le premier ministre, le patron des patrons et des journaux influents du Nord: à cinq jours d'élections régionales en France qu'elle aborde en position de force, l'extrême droite est la cible d'un haro général dénoncé par sa chef de file Marine Le Pen.

Le chef du gouvernement socialiste Manuel Valls, qui s'est dit récemment déterminé à «tout faire» pour empêcher le Front national (FN) de gagner une région, a appelé mardi les Français à se mobiliser pour lui faire barrage.

Le parti de Marine Le Pen «trompe les Français» et «n'aime pas la France», a martelé le chef du gouvernement sur la radio Europe 1, en affirmant que le FN «reculerait» au scrutin des 6 et 13 décembre si «tous les Français» allaient voter.

«Chacun devra prendre ses responsabilités, à gauche comme à droite, pour empêcher le FN de gagner une région», a insisté Manuel Valls, relançant le débat sur d'éventuels désistements voire fusions de listes entre les deux tours pour contrer l'extrême droite.

Le FN apparaît en position d'emporter au moins deux régions à l'issue de ces élections, ce qui marquerait une première historique en France.

Sa présidente Marine Le Pen est donnée gagnante dans le Nord (Nord-Pas-de-Calais-Picardie), où elle se présente. Marion Maréchal-Le Pen, sa nièce, part également favorite dans le Sud, en Provence-Alpes-Côte d'Azur, selon les sondages.

Le parti d'extrême droite, qui a grappillé des points dans l'opinion depuis les attentats de Paris le 13 novembre, nourrit également de nouvelles ambitions dans plusieurs autres régions où les enquêtes le placent en tête ou au coude à coude avec l'opposition de droite.

«Je ne peux pas me résoudre à ces annonces, ces sondages, et le meilleur moyen de faire mentir les sondages, c'est la mobilisation des électeurs», a affirmé Manuel Valls.

Le premier ministre s'est «félicité» des prises de position anti-FN du président du MEDEF, la principale organisation patronale française, et des quotidiens régionaux La Voix du Nord et Nord Éclair, eux aussi montés au créneau contre Marine Le Pen.

«L'inverse de ce qu'il faut faire»

Le patron des patrons Pierre Gattaz a mis en garde mardi dans un entretien au quotidien Le Parisien contre le programme économique du FN, considérant que c'est «exactement l'inverse de ce qu'il faut faire».

«Ce n'est pas un programme économique responsable», a-t-il déclaré en référence à certaines propositions du parti, comme le retour de la retraite à 60 ans, la hausse de 200 euros (environ 282 $) du salaire minimum, la sortie de l'euro ou l'augmentation des taxes à l'importation.

Pour le deuxième jour consécutif, le principal quotidien du nord de la France, La Voix du Nord, a développé son argumentaire pour inciter les électeurs de la région à rejeter l'extrême droite: «Marine Le Pen et le FN ne sont pas ce qu'ils disent».

Dans une prise de position rarissime de la part d'un journal régional, le même quotidien avait affiché la couleur la veille avec un titre sans ambiguïté, «Pourquoi une victoire du FN nous inquiète», immédiatement fustigé par Mme Le Pen. «C'est un tract pour le Parti socialiste», «c'est profondément scandaleux», a lancé la présidente du Front national.

Plusieurs artistes français ont également rendu public mardi un «appel contre la politique culturelle du Front national» dans le quotidien communiste L'Humanité, déclarant n'avoir «aucune illusion» sur les intentions de l'extrême droite à l'égard de la culture.

Dans ce qui s'apparente à une mobilisation tardive de la gauche, qui se présente divisée au premier tour des régionales, la secrétaire nationale du parti écologiste EELV Emmanuelle Cosse a affirmé lundi que son mouvement n'hésiterait pas à retirer ses listes au second tour, si «c'est la meilleure solution pour battre le Front national».

Une stratégie de barrage anti-FN à laquelle l'opposition de droite se refuse jusqu'ici à prendre part. Le parti Les Républicains (LR) de l'ancien président Nicolas Sarkozy a réaffirmé mardi son rejet de tout «front républicain» aux régionales, ne souhaitant pas «faire illusion au soir d'un premier tour» alors que les différends avec la gauche sont «majeurs».