La Cour constitutionnelle espagnole a suspendu mercredi soir, dans l'attente d'une décision sur le fond, la résolution parlementaire proclamant le début d'un processus indépendantiste en Catalogne, première étape de la riposte de Madrid à cet acte de défiance.

Mais dans la foulée, le gouvernement catalan a annoncé qu'il «irait de l'avant, assurant qu'il ne faisait que défendre la «démocratie en Catalogne».

Les onze magistrats de la cour ont rendu un arrêt unanime dans lequel ils acceptent de se saisir du recours déposé contre ce texte par le gouvernement espagnol.

Cet arrêt entraîne la suspension automatique de la résolution adoptée lundi, dans l'attente de son examen sur le fond.

Les magistrats ont en outre averti ses promoteurs qu'en cas de non respect de sa décision de suspension «ils s'exposaient à des poursuites pour désobeissance», selon des sources judiciaires.

Le gouvernement s'est félicité de cette décision, «moins de 48 heures» après l'adoption de la déclaration en neuf points par le Parlement catalan, où les indépendantistes sont majoritaires depuis les élections régionales du 27 septembre.

La résolution «déclare solennellement le lancement du processus de création d'un État catalan prenant la forme d'une République», que les indépendantistes veulent achever dès 2017.

Ce texte, sans précédent historique, précise que le Parlement de la Catalogne - région de 7,5 millions d'habitants représentant 20% du PIB de l'Espagne - est «souverain» et ne se soumettra plus aux décisions de la cour constitutionnelle qu'il juge «illégitime» et «sans compétences».

Ceux qui ont adopté cette résolution veulent «en finir avec la démocratie et l'État de droit» et «casser l'unité de l'Espagne», a martelé le chef du gouvernement espagnol Mariano Rajoy.

«Je ne le permettrai pas» et «j'ai pour cela le soutien de la majorité des Espagnols», a affirmé M. Rajoy, qui se pose en garant de l'unité nationale, à 40 jours des élections législatives.

Le gouvernement avait aussi demandé à la cour de notifier «personnellement» cette résolution à 21 responsables catalans - dont la présidente du Parlement Carme Forcadell, le président catalan sortant Artur Mas, et les membres du bureau du parlement catalan - une manière de les prévenir des conséquences que pourraient entraîner pour eux le non respect de la décision de la cour.

Prison pour «sédition»

M. Rajoy a cependant promis d'agir de manière prudente alors que beaucoup d'observateurs craignent un emballement de la crise en pleine campagne électorale.

Il s'était entretenu mardi pendant près d'une heure avec le chef de l'opposition socialiste Pedro Sanchez, qui a rappelé mercredi matin qu'il était d'accord avec lui pour «défendre la Constitution et la légalité», sur la chaîne privée TV5.

Le candidat socialiste a cependant dénoncé «l'inaction» du gouvernement espagnol pendant quatre ans face à la poussée de fièvre indépendantiste, en partie alimentée par la crise et la corruption. Il a plaidé pour le «dialogue» et «une solution politique», passant par une réforme fédéraliste de la Constitution.

Alors que le gouvernement préparait son recours, le parquet de l'Audience nationale, juridiction spécialisée notamment dans les affaires d'État, a diffusé un rapport soulignant que les responsables catalans de la résolution s'exposaient à des poursuites pénales, notamment pour «sédition» et «désobéissance».

Dans cet exposé le parquet précise les peines encourues: jusqu'à 15 ans de prison pour sédition.

Il souligne que la police a l'obligation de notifier au ministère public tout délit en lien avec ces faits.

La vice-présidente du gouvernement catalan Neus Monte, juste après l'annonce de la décision de la Cour constitutionnelle, a cependant maintenu mercredi soir que «la volonté politique du gouvernement est d'aller de l'avant dans la mise en oeuvre du contenu de la résolution».

«Une fois de plus, le gouvernement se sert de la Justice pour bâillonner les aspirations à la démocratie et la liberté des citoyens de Catalogne», a-t-elle ajouté.

Depuis 2010, la cour constitutionnelle a rendu des décisions systématiquement défavorables aux partisans de l'indépendance de la Catalogne ou d'une plus grande autonomie de cette région. Ainsi a-t-elle raboté un statut qui accordait de larges compétences à la région, en 2010, comme le lui demandait Mariano Rajoy, alors chef de l'opposition.

Elle a aussi interdit, en 2014, la tenue en Catalogne d'un référendum d'autodétermination.