Le premier ministre britannique David Cameron a pour la première fois mis par écrit ses objectifs de réformes de l'Union européenne. Il lui reste maintenant à négocier avec ses partenaires européens, puis convaincre les électeurs du succès de sa démarche avant de lancer un référendum qui pourrait mener à une rupture avec le reste du continent s'il se bute à une fin de non-recevoir.

Un an et demi après avoir promis aux Britanniques un référendum sur le maintien ou non du pays au sein de l'Union européenne (UE), David Cameron a enfin indiqué noir sur blanc à ses partenaires européens les réformes qu'il souhaite obtenir pour éviter une éventuelle rupture.

La lettre rédigée à l'intention du président du Conseil européen Donald Tusk et rendue publique hier reste néanmoins vague: le premier ministre britannique pourra ainsi crier victoire dans quelques mois même si ses interlocuteurs ne lui lâchent que quelques miettes...

Pour commencer, David Cameron réclame qu'aucune discrimination ne soit faite entre les pays de la zone euro et ceux ayant gardé leur monnaie nationale. C'est la demande britannique la moins problématique.

Londres veut ensuite accroître toujours plus le marché unique et limiter la législation qui bloquerait l'expansion commerciale des entreprises européennes. L'objectif est d'accroître la compétitivité de l'UE et sa productivité. Au royaume de l'ultraflexibilité, ce point fait grincer des dents les syndicats britanniques, car David Cameron avait très clairement expliqué vouloir réduire les droits des travailleurs et alléger les restrictions liées au licenciement de masse, avant de ne plus communiquer sur le sujet face à la colère de l'opinion publique.

Le premier ministre ne veut pas d'une «union toujours plus proche», un principe inclus dans le traité européen. Il désire que cela soit inscrit de «manière formelle, légalement engageante et irréversible».

Il souhaite également «accroître le rôle des Parlements nationaux» face au Parlement européen, afin de leur permettre de bloquer une législation non désirée. Enfin, le premier ministre réclame que la liberté de mouvement ne soit pas accordée aux habitants des futurs membres de l'UE.

Le politicien veut pouvoir déporter plus aisément les fraudeurs et les personnes accusées de mariages blancs pour obtenir une nationalité européenne. Il veut également limiter l'accès des Européens aux allocations sociales des pays tiers. Un point considéré «difficile», pour ne pas dire inacceptable par la Commission européenne.

Lors de son discours prononcé hier, l'homme fort du Parti conservateur a exprimé une fermeté rare: «Si nous ne pouvons pas obtenir un accord, et si les inquiétudes britanniques ne devaient pas rencontrer d'oreilles à l'écoute, ce qui selon moi n'arrivera pas, alors nous devrons repenser si l'UE est faite pour nous. Et comme je l'ai déjà dit, je n'écarte rien.» En clair: il pourrait recommander aux Britanniques de voter en faveur d'un retrait de l'UE lors du référendum, qui doit avoir lieu avant la fin de 2017.

Ce message de fermeté est plus dirigé vers ses électeurs que vers ses interlocuteurs. Les membres du camp eurosceptique accusent en effet David Cameron de faiblesse et de ne pas mettre toutes les armes de son côté pour obtenir des concessions de ses partenaires européens. Leur influence grandit de mois en mois, d'autant qu'ils se situent aussi bien à droite qu'à gauche de l'échiquier politique britannique.

L'élection à la tête du Parti travailliste du candidat d'extrême gauche Jeremy Corbyn, qui s'est toujours dit très dubitatif quant au rôle positif de l'UE, n'est pas pour rien dans ce nouvel équilibre. Et l'écart dans les sondages d'opinion en faveur du maintien dans l'UE se réduit, à la suite de l'incapacité des pro-Européens à exposer des arguments positifs et crédibles.

La possibilité d'un retrait de l'UE paraît aujourd'hui bien réelle, même si David Cameron pourra utiliser en dernier ressort l'argument de la peur pour faire pencher la balance en sa faveur, comme lors du référendum écossais sur l'indépendance de septembre 2014.

L'exemple écossais montre d'ailleurs que seule une victoire sans appel du camp pro-européen calmera les ardeurs des nationalistes. Le Parti national écossais au pouvoir à Édimbourg réfléchit ainsi aujourd'hui à l'hypothèse d'un nouveau référendum.

Surtout si le Royaume-Uni décide de voter pour une sortie de l'UE, à laquelle les Écossais sont très attachés.

Une date à déterminer

Le gouvernement britannique n'a pas encore déterminé la date du référendum. David Cameron a déjà précisé qu'il aura lieu entre juin 2016 et la fin de 2017. Si le premier ministre semble vouloir l'organiser au plus vite pour rassurer les investisseurs étrangers, juin 2016 arrive sans doute trop vite puisque les négociations ne s'achèveront pas avant la fin du printemps. L'année 2017 sera tendue: à l'approche d'élections lors desquelles ils tenteront de se faire réélire, le président français François Hollande et la chancelière allemande Angela Merkel refuseront d'accorder des concessions à leur partenaire. L'automne 2016 semble donc une date appropriée.