Un artiste russe, connu pour s'être cloué les testicules sur la place Rouge, a été arrêté lundi après avoir mis le feu aux portes de la Loubianka, le bâtiment qui a longtemps abrité le KGB et aujourd'hui son successeur le FSB.

Coutumier des «performances» artistiques à forte connotation politique, Piotr Pavlenski a été arrêté par la police après avoir mis le feu aux portes en bois de l'imposant immeuble des services secrets russes, à deux pas du Kremlin.

«Il a été arrêté vers 1 h (17 h dimanche, heure de Montréal) et a été emmené au siège du FSB où ils lui ont demandé avec insistance qui il voulait tuer ou voir mort», a déclaré à l'AFP l'avocat de l'artiste, Olga Tchavdar.

«Il leur a répondu: "Que me demandez-vous? Je ne souhaite la mort de personne"», a ajouté l'avocate.

«Ils pourraient l'inculper pour incendie volontaire», estime Mme Tchavdar, un délit passible de cinq ans de prison.

L'artiste a publié dans la matinée une vidéo de sa performance sur le réseau social Vimeo. On le voit, debout et immobile, un jerrican d'essence à la main, devant les flammes. Un policier finit par arriver en courant et le saisit par le bras.

«La porte en flammes de la Loubianka est un gant jeté par la société à la figure de la menace terroriste», a écrit Piotr Pavlenski dans un message publié avec la vidéo.

«Les services fédéraux de sécurité (le FSB, NDLR) utilisent la terreur sans fin pour tenir sous leur pouvoir 146 millions de personnes», écrit-il également.

Soutien des Pussy Riot

La Loubianka a été le tristement célèbre quartier général de la police politique à l'époque soviétique. Il abrite aujourd'hui les locaux du FSB et est associé, dans l'esprit des opposants libéraux et démocrates, à la politique de musèlement de la société civile depuis l'arrivée au pouvoir en 2000 de Vladimir Poutine.

Le président russe a lui-même été un espion au service du KGB puis directeur du FSB à la fin des années 1990.

Deux journalistes, dont un de la chaîne indépendante Dojd, qui couvraient la performance de Piotr Pavlenski, ont été brièvement interpellés.

En 2013, Piotr Pavlenski avait cloué la peau de ses testicules entre les pavés de la place Rouge. Mais après enquête, la justice russe avait clos le dossier estimant qu'il n'avait commis «aucune infraction».

La police moscovite avait estimé que l'acte de Piotr Pavlenski n'avait pas de «mobile politique, idéologique, raciste et n'était pas dirigé contre un groupe ethnique, social ou religieux».

Il est toujours sous le coup de poursuites judiciaires après avoir brûlé des pneus dans la rue à Saint-Pétersbourg en février 2014, en soutien aux manifestations antigouvernementales à Kiev.

En 2012, il s'était cousu les lèvres en signe de soutien au groupe contestataire Pussy Riot. En mai 2013, il s'était présenté nu, le corps entouré de barbelés, à l'assemblée de Saint-Pétersbourg pour protester contre le vote de lois selon lui répressives en Russie.

Les artistes russes qui s'adonnent à des performances politico-artistiques écopent généralement de 15 jours de prison. Il arrive toutefois que la justice russe, notamment quand l'affaire touche à la fibre religieuse, décide de condamnations bien plus lourdes.

Exemple le plus célèbre : les Pussy Riot, trois jeunes femmes arrêtées en 2012 pour avoir «profané» la cathédrale du Christ-Sauveur à Moscou au cours d'une «prière punk» qui critiquait ouvertement le président russe.

Elles avaient été condamnées à deux ans de camp de travail pour «hooliganisme» et «incitation à la haine religieuse» et libérées fin 2013 après avoir été amnistiées par Vladimir Poutine.

L'une d'entre elles, Nadejda Tolokonnikova, a salué lundi sur sa page Facebook «l'excellent Piotr et sa performance».