Des négociations intenses ont commencé en Croatie lundi, au lendemain des élections législatives qui ont vu l'opposition de droite arriver en tête, mais sans obtenir de majorité dans cette ex-république yougoslave plongée en pleine crise économique et migratoire.

La coalition de droite, regroupée autour des conservateurs du HDZ, a obtenu 59 sièges sur les 151 que compte l'Assemblée, contre 56 pour l'alliance de gauche menée par les sociaux démocrates (SDP) du premier ministre sortant, Zoran Milanovic.

Ce résultat serré signifie que dans ce pays où la dette publique frôle les 90 % du PIB, et dont l'économie est l'une des plus pauvres de l'Union européenne, les tractations pour former une majorité pourraient prendre des semaines.

Le scrutin, le premier depuis l'adhésion de ce pays balkanique en 2013 à l'UE, s'est déroulé avec en toile de fond la crise des migrants du Moyen-Orient dont des milliers traversent quotidiennement les Balkans vers l'Europe occidentale.

Au sein de la nouvelle assemblée a également fait son entrée, Branimir Glavas, un homme politique reconnu coupable par la justice locale de crimes de guerre commis contre des Serbes à Osijek (est) lors du conflit serbo-croate (1991-95).

Élu avec sur la liste de son petit parti (HDSSB), Branimir Glavas, 59 ans, a été condamné en 2010 en appel à 8 ans de prison, mais a été remis en liberté en janvier 2015, après avoir purgé un peu plus de cinq ans, le verdict ayant été annulé par la Cour constitutionnelle pour erreur de procédure.

La Cour constitutionnelle n'a toutefois pas remis en cause sa responsabilité prouvée dans des crimes de guerre, ni la peine prononcée, mais il devra être rejugé.

À Zagreb, les formations qui veulent former une majorité doivent notamment composer avec la troisième formation parlementaire, Most, un jeune parti créé il y a deux ans, dirigé par le maire de la petite ville de Metkovic (sud), et qui a obtenu 19 sièges.

Quatre autres formations se partagent dix sièges tandis que les huit restants sont réservés aux minorités nationales.

«Soutenir ceux qui acceptent le changement»

Le chef de Most, Bozo Petrov, a indiqué dans la journée n'avoir pas encore décidé lequel des deux principaux rivaux son parti va soutenir.

«Nous avons dressé une liste de réformes réalistes qui sera sur la table de négociations. Nous ne voulons pas créer une crise constitutionnelle, mais nous allons soutenir ceux qui vont accepter le changement», a-t-il dit.

Éclaboussé par de nombreux scandales de corruption, évincé du pouvoir lors du précédent scrutin de 2011, le HDZ du chef de l'opposition Tomislav Karamarko, veut reprendre le pouvoir en dénonçant le bilan mitigé du gouvernement sortant et la situation de récession quasi-permanente depuis 2009.

Chef des services de renseignement 2004 et 2008, puis ministre de l'Intérieur du gouvernement conservateur de l'époque, M. Karamarko, 56 ans, a aussitôt assuré être «ouvert à la coopération avec tous ceux qui veulent lutter pour une vie meilleure en Croatie».

M. Milanovic a lui aussi ouvertement appelé le Most à s'allier en tant que «partenaire» au gouvernement.

Pour l'analyste politique indépendant, Davor Gjenero, l'émergence de Most, montre que les électeurs «ne veulent plus d'un système de deux partis et d'élites politiques qui commencent à être une sorte de monde à part, loin du peuple».

Mais, dans ce petit pays de 4,2 millions d'habitants où le taux de chômage atteignait en septembre 16,2 %, dont 43,1 % chez les jeunes, quel que soit le nouveau gouvernement, des réformes douloureuses doivent être adoptées «afin de mettre le déficit budgétaire sous contrôle» et redresser l'économie, a souligné M. Gjenero.

Devenue le 28e membre de l'UE, la Croatie a vu depuis la mi-septembre près de 350 000 réfugiés en route vers l'Europe occidentale transiter par son territoire.

Pour M. Milanovic, cette situation a été l'occasion de détourner l'attention des difficultés économiques. Il a habilement surfé sur la vague migratoire en faisant preuve d'empathie envers les migrants, mais aussi de fermeté vis-à-vis des pays voisins notamment en condamnant décision de la Hongrie de fermer sa frontière.