Avec la victoire des conservateurs populistes aux législatives, la Pologne, membre de l'UE et de l'Otan et poids lourd de l'Europe centrale et orientale, rejoint le camp des forces eurosceptiques gonflées par la crise migratoire.

Annoncé dimanche sur la foi des sondages sortie des urnes, le triomphe électoral du parti eurosceptique Droit et Justice (PiS) de Jaroslaw Kaczynski a été confirmé lundi soir par la commission électorale: le PiS a obtenu 37,58% des suffrages.

Selon des projections faites dimanche soir par un institut de sondages, il pourrait espérer disposer de la majorité absolue en sièges, mais le nombre de ses députés ne doit être précisé que mardi soir.

«La Pologne renforce le camp des pays eurosceptiques, comme la Grande-Bretagne, qui cherchent à réformer l'Union européenne, à relâcher ses liens internes», déclare à l'AFP Marcin Zaborowski du think tank américain CEPA (Centre de l'analyse de la politique européenne). Il rappelle que le PiS n'a jamais été ouvertement anti-européen et avait soutenu l'adhésion de la Pologne à l'UE en 2004.

Membre, avec les tories britanniques, du Groupe des Conservateurs et Réformistes au Parlement européen, le PiS n'a toutefois jamais caché sa vision de «l'Europe des nations», réclamant la réduction des pouvoirs de Bruxelles.

En remportant une majorité de 232 sièges sur 460 au Parlement au législatives de dimanche, selon les dernières projections, le parti de Jaroslaw Kaczynski pourrait désormais mettre en route sa politique.

«Le PiS mettra en avant les intérêts nationaux, au détriment des intérêts européens. Il veut une Union économique plutôt que politique», estime le politologue Kazimierz Kik.

«Il rejoint le groupe des formations européennes, aussi bien celles de droite comme le Front national en France, que celles de gauche qui cherchent à réduire le pouvoir de Bruxelles», explique-t-il à l'AFP.

A la différence des libéraux de la Plateforme civique, eurocentristes, qui passent désormais dans l'opposition après huit ans au pouvoir en Pologne, le PiS ne cache pas son intention de s'appuyer sur des alliances régionales, telles que le groupe de Visegrad (Pologne, Hongrie, Slovaquie, République tchèque), partageant l'opposition de ses partenaires à l'accueil des réfugiés et de migrants du Moyen-Orient et d'Afrique.

«Le parti de M. Kaczynski cherchera des alliances pour réformer les traités européens, renforcer les possibilités d'opt-out, ajoute M. Zaborowski. La Grande-Bretagne sera ici son partenaire de choix».

Une première approche a été faite lors de la rencontre du président polonais Andrzej Duda, issu du PiS, avec le Premier ministre britannique David Cameron le 15 septembre à Londres. «La rencontre s'est passée dans une très bonne atmosphère», a déclaré M. Duda à l'issue de cet entretien.

Négociations sur le climat

«Si David Cameron n'a pas encore téléphoné à Jaroslaw Kaczynski pour le féliciter de sa victoire, il devrait le faire rapidement», poursuit M. Zaborowski. «Cameron veut laisser la Grande-Bretagne au sein de l'UE et la Pologne peut l'aider à obtenir des concessions pour convaincre les Britanniques de voter +non+ au Brexit» lors du référendum de 2017, selon lui.

La Pologne compte surtout être soutenue par la Grande-Bretagne lors des négociation sur le climat. Le charbon doit rester, selon le PiS, la principale source de l'énergie du pays. Le PiS a fait de grandes promesses aux mineurs et compte négocier fermement avec l'Union européenne sa position sur la lutte contre le changement climatique.

Tout en soutenant David Cameron sur ses positions antimigratoires, le parti de M. Kaczynski prendra la défense des intérêts de près d'un million de Polonais émigrés en Grande-Bretagne, et de près de 700 000 qui vivent en Allemagne.

Au pouvoir en Pologne dans les années 2005-2007, le PiS s'est illustré par ses prises de position ouvertement germanophobes et russophobes, et des tensions avec Bruxelles sur de multiples dossiers.

«Le PiS a appris sa leçon et ne fera pas de déclarations à l'emporte-pièce, mais misera sur une action efficace dans les coulisses pour ne pas se retrouver isolé comme c'était le cas à l'époque», estime Eryk Mistewicz, spécialiste en marketing politique.

Ce parti «va se servir de l'Union européenne selon ses intérêts, il va l'instrumentaliser», estime M. Kik.