Les observateurs internationaux de l'OSCE ont critiqué lundi la victoire d'Alexandre Loukachenko à l'élection présidentielle au Bélarus, relevant des «problèmes importants», ce qui ne devrait toutefois pas empêcher le processus de levée des sanctions de l'Union européenne contre ce pays proche de la Russie.

L'Allemagne, premier pays européen à réagir, a d'ailleurs montré la voie en relevant qu'Alexandre Loukachenko, déjà président depuis 1994, avait été élu «sans surprise», mais surtout «sans répression», par la voix de son chef de la diplomatie allemande, Frank Walter Steinmeier.

Or, c'est précisément ce que scrutaient les Européens avant d'envisager d'ouvrir la voie à une levée des sanctions décrétées en 2011: des mouvements de contestation réprimés par le régime bélarusse. Mais ils n'ont pas eu lieu.

Au lendemain du scrutin remporté par le président sortant avec 83,49% des voix, l'Organisation pour la coopération et la sécurité en Europe (OSCE) a dressé un tableau contrasté de l'élection, relevant certes des progrès, mais aussi des «problèmes importants» qui ont miné l'élection présidentielle.

«Il est clair que le Bélarus a encore un long chemin à parcourir pour remplir ses engagements démocratiques», a déclaré dans un communiqué Ken Harstedt, chef de la mission d'observation de l'OSCE, évoquant notamment des irrégularités dans le «dépouillement et le comptage» des bulletins de vote.

Âgé de 61 ans, Alexandre Loukachenko obtient un cinquième mandat avec le score le plus élevé qu'il n'ait jamais eu. L'élection était boycottée par les principales figures de l'opposition et M. Loukachenko avait face à lui trois inconnus dont une seule, Tatiana Korotkevitch, a mené une véritable campagne.

Celle-ci est arrivée en seconde position avec 4,42% des suffrages, selon la commission électorale. Après avoir voté, Alexandre Loukachenko s'était fendu d'une remarque sexiste à son encontre. «Ici, le président a des tonnes de pouvoirs, allant de la sécurité à l'économie. Des pouvoirs qu'une personne portant une jupe ne peut pour le moment obtenir», avait-il lancé.

- Habileté de Loukachenko -

Mais dans cette élection, l'essentiel était ailleurs faute de suspense sur l'issue du scrutin: l'opposition allait-elle descendre dans la rue et la police allait-elle mater toute contestation ? C'est en effet en partie ce que les Européens souhaitaient vérifier avant d'engager le processus de levée des sanctions.

Régulièrement accusé depuis des années de graves atteintes aux droits de l'Homme, de réprimer l'opposition et de museler la presse, M. Loukachenko a multiplié ces derniers mois les signes d'ouverture, libérant notamment cet été les derniers prisonniers politiques bélarusses.

Il a également su habilement utiliser la crise ukrainienne à son avantage, s'imposant comme médiateur entre la Russie et l'Union européenne ou accueillant à Minsk des pourparlers de paix entre Kiev et séparatistes prorusses.

Des gestes de bonne volonté bien perçus par l'Union européenne, qui attendait de voir «comment se déroule» le scrutin présidentiel. Les Européens voulaient notamment s'assurer «qu'il n'y a pas de nouvelles arrestations d'opposants, pas de violence, pas de persécution», avait expliqué un diplomate européen à l'AFP la semaine dernière.

«Il n'y a pas eu de manifestations massives ou d'arrestations cette année. C'est un progrès minimal, mais suffisant pour une normalisation des liens avec les États-Unis ou l'UE», a expliqué à l'AFP l'analyste Alexandre Klaskovsky, du groupe de réflexion Belapan.

Les sanctions contre Alexandre Loukachenko avaient été décidées en 2011, après que des manifestations ayant suivi l'élection présidentielle de décembre 2010 eurent abouties à une violente répression et à l'emprisonnement de la plupart des candidats à la présidentielle.

La décision de lever les sanctions ne devrait être formellement prise qu'en fin de mois, juste avant l'expiration des sanctions actuelles le 31 octobre.

- 'Dictature douce' -

Le président russe Vladimir Poutine a félicité son homologue bélarusse pour sa «victoire convaincante», disant espérer un renforcement du «partenariat stratégique» entre les deux pays.

Mais les principaux dirigeants de l'opposition, Mikola Statkevich et Anatoli Lebedko, ont affirmé qu'ils ne reconnaitraient pas le résultat de la présidentielle. «Nous ne considérons pas ce spectacle comme une élection et nous ne le reconnaissons pas», a déclaré à l'AFP un autre opposant influent, l'écrivain et poète Vladimir Nekliaev.

Le nouveau prix Nobel de littérature, l'écrivaine bélarusse Svetlana Alexievitch, avait elle aussi appelé l'UE à éviter tout rapprochement avec le dirigeant d'une «dictature douce».