Après quatre ans d'austérité, le premier ministre portugais Pedro Passos Coelho a réussi le tour de force de remporter les élections législatives de dimanche, mais a été privé d'une majorité absolue nécessaire à la stabilité gouvernementale.

La coalition sortante de centre droit a ainsi échappé au vote-sanction, recueillant 38,6% des suffrages, contre 32,4% au Parti socialiste (PS) de l'ancien maire de Lisbonne Antonio Costa, selon des résultats quasi-complets.

Longtemps donnée perdante, la coalition a inversé la tendance dans les sondages au cours des dernières semaines, mais reste loin du score de 50,4% obtenu par la droite en 2011, quand elle avait chassé du pouvoir le socialiste José Socrates.

Et surtout, Pedro Passos Coelho n'a pas obtenu de mandat clair lui permettant de gouverner dans un contexte stable, car il devra désormais composer avec un Parlement majoritairement à gauche, faute d'alliés potentiels à droite.

Dans la future assemblée, l'alliance gouvernementale disposera de 104 députés sur les 226 élus jusqu'ici, contre 85 au Parti socialiste. Les quatre sièges restants, issus du vote à l'étranger, ne seront attribués que le 14 octobre.

«Notre victoire est incontestable», a assuré le chef du Parti social-démocrate (PSD, centre droit), qui s'est déclaré aussitôt prêt à former le nouveau gouvernement, associé à son partenaire minoritaire, le CDS (conservateur).

M. Passos Coelho a toutefois reconnu que «la nouvelle composition du Parlement nous demande plus d'efforts à nous tous» et a tendu la main au Parti socialiste, invité à négocier «des accords indispensables à la mise en oeuvre de réformes importantes».

Poussée de l'extrême gauche 

L'ensemble de la gauche disposera désormais de la majorité des sièges au Parlement et, si elle dépassait ses divisions historiques, pourrait menacer la survie d'un gouvernement dirigé par la droite.

Reconnaissant sa défaite électorale, le patron du PS Antonio Costa a toutefois laissé entendre qu'il ne ferait pour l'instant pas obstacle à la formation d'un exécutif minoritaire de M. Passos Coelho.

«Le PS ne contribuera pas à une majorité de blocage si elle n'est pas en mesure de proposer une alternative crédible de gouvernement», a-t-il tranché.

Car la sortie de l'euro exigée par le Parti communiste portugais, et la restructuration de la dette prônée par le Bloc de gauche sont des lignes rouges que le PS ne semble pas prêt à franchir.

«Le PS est en mesure de former un gouvernement», avait pourtant lancé un peu plus tôt Jeronimo de Sousa, dirigeant du Parti communiste, affirmant que la coalition «a obtenu le plus grand nombre de voix, mais a essuyé une défaite».

Le Bloc de gauche, formation apparentée au parti Syriza au pouvoir en Grèce, a créé la surprise avec un score historique de 10,2%, dépassant pour la première fois le Parti communiste, allié aux Verts, qui remporte 8,3% des voix.

Devant ce nouveau rapport de forces, M. Passos Coelho s'est empressé de souligner que «plus de 70% du Parlement est composé de forces politiques attachées à notre appartenance à l'Union européenne et à la monnaie unique».

Depuis l'avènement de la démocratie en 1974, le Portugal a connu plusieurs gouvernements minoritaires, de gauche comme de droite, mais un seul est arrivé au terme de son mandat.

Spectre de la faillite  

Sans illusion, les électeurs se sont ainsi résignés à reconduire l'alliance gouvernementale, qui a sorti le Portugal du gouffre financier au prix d'une sévère cure d'austérité, mais ont refusé de lui donner un chèque en blanc.

Le manque d'enthousiasme s'est traduit d'ailleurs par un taux d'abstention record de 43,1%, contre 41,9% en 2011.

Elu en juin 2011, Pedro Passos Coelho, 51 ans, un centriste libéral, avait pris les rênes d'un pays au bord du défaut de paiement.

Son prédécesseur, José Socrates, venait alors de solliciter une aide de 78 milliards d'euros de l'Union européenne et du Fonds monétaire international (FMI).

«La droite a réussi à faire passer le message selon lequel le retour au pouvoir des socialistes mènerait le pays à la faillite, comme en 2011», a commenté le politologue Antonio Costa Pinto.

Aujourd'hui, après un plan de redressement draconien, le Portugal connaît une reprise économique, certes encore fragile, et le taux de chômage est en baisse.

«J'ai voté pour ceux qui sont au pouvoir, car le pays va un peu mieux», a confié Domingos Birra, un retraité âgé de 71 ans, en sortant d'un bureau de vote dans un quartier bourgeois de Lisbonne.

«Rien ne va changer de toute manière, l'austérité continue», a commenté, résigné, Manuel Augusto, 75 ans, qui, quant à lui, a donné sa voix au Parti socialiste, dans un quartier populaire de la capitale.