Le Front national (FN), parti d'extrême droite, a été inculpé mercredi à Paris pour recel d'abus de biens sociaux et complicité d'escroquerie dans une enquête judiciaire sur son financement, à trois mois d'importantes élections régionales en France.

L'inculpation du FN a été annoncée par son trésorier Wallerand de Saint-Just, au sortir de plusieurs heures d'audition par un juge. «Nous sommes innocents de toutes les accusations qui sont portées contre nous», a-t-il déclaré aux journalistes.

«Nous n'avons strictement rien à nous reprocher. Ce dossier est d'un vide intégral, d'un néant absolu», a renchéri de son côté Florian Philippot, bras droit de la présidente du FN, Marine Le Pen, et lui-même l'un des vice-présidents de la formation.

Interrogé sur la chaîne d'information en continu I-Télé, il a dénoncé un «acharnement» politique du gouvernement socialiste et une tentative «de salir médiatiquement et politiquement le FN à quelques mois des régionales».

La justice française soupçonne des responsables du FN, d'une entreprise amie, Riwal, et du micro-parti Jeanne, géré par des proches de Marine Le Pen, d'avoir gonflé par des surfacturations ses dépenses de campagne lors des législatives de 2012 en France et escroqué l'État, qui rembourse ces frais pour les candidats obtenant plus de 5 % des voix.

Riwal, une petite agence de communication, et Jeanne ont déjà été inculpés dans ce dossier, ainsi que six personnes, dont un autre vice-président du FN, Jean-François Jalkh, et un ami proche de Marine Le Pen, Frédéric Châtillon.

Ce dernier, patron de Riwal et ancien chef d'un syndicat étudiant d'extrême droite, est au coeur de l'affaire instruite par deux juges parisiens, dont Renaud Van Ruymbeke, un magistrat spécialisé dans la délinquance politico-financière.

Les enquêteurs soupçonnent Jean-François Jalk, 47 ans, considéré comme le gérant de fait de Jeanne, d'avoir mis en place avec d'autres protagonistes un système d'enrichissement frauduleux lors des législatives de 2012.

En cause: des kits de campagne (tracts, affiches...) conçus et vendus par Riwal, puis fournis par Jeanne à la grande majorité des candidats FN (525 sur 565) qui signaient un contrat de prêt avec le micro-parti.

Selon une source proche du dossier, les juges considèrent que le coût de ces kits, ouvert au remboursement des frais de campagne par l'État, «était très largement surévalué».

L'enquête s'intéresse aussi aux prêts de Jeanne aux candidats. Considérés comme fictifs, ils n'auraient eu pour but que d'obtenir le remboursement par l'État des intérêts d'emprunt.

Les juges soupçonnent aussi Riwal d'avoir financé illégalement le FN et Jeanne, par des dons ou des aides, notamment le paiement en 2012 de salaires pour les emplois présumés fictifs de deux responsables du parti, l'eurodéputé Nicolas Bay et l'actuel sénateur-maire de Fréjus (sud-est) David Rachline.

Haut placé dans les enquêtes d'opinion, le Front national, qui aligne les succès électoraux depuis trois ans, n'a jusqu'à présent pas pâti de cette affaire, peu médiatisée en France pour le moment.

À l'approche des régionales en décembre, cette inculpation s'ajoute à la guerre entre Marine Le Pen et son père Jean-Marie, chef de file historique du FN exclu en août et qui refuse de rendre les armes.

Le scrutin régional sera l'ultime test dans les urnes avant la présidentielle de 2017, pour laquelle tous les sondages depuis un an promettent à Mme Le Pen une qualification pour le second tour.

Le FN compte remporter en décembre «quatre à cinq régions», notamment le Nord, où sa présidente est candidate, et Provence-Alpes-Côte d'Azur, où il est emmené par sa nièce, Marion Maréchal Le Pen.