La police macédonienne a autorisé vendredi plusieurs centaines de migrants, des familles avec des enfants et des femmes enceintes, à entrer sur son territoire en provenance de la Grèce, après avoir repoussé avec des grenades assourdissantes un groupe de 3000 personnes souhaitant se rendre en Europe occidentale.

Dans une tentative de franchir la frontière, la foule s'est dirigée dans la matinée vers un cordon des forces spéciales de police, en criant «Aidez-nous!».

Les policiers ont répondu en frappant des migrants avec des matraques et ont tiré au moins cinq grenades assourdissantes, contraignant les migrants à se retirer, a rapporté un journaliste de l'AFP.

Huit migrants ont été légèrement blessés, selon la police grecque, surtout aux jambes, par des éclats des grenades qui ont provoqué une épaisse fumée blanche.

Les heurts n'ont duré que quelques minutes, les migrants ayant mis les enfants et les femmes devant les barbelés, dressés depuis jeudi par les autorités macédoniennes, pour empêcher de nouvelles violences.

L'incident s'est produit dans une zone entre la localité grecque d'Idomeni et la ville macédonienne de Gevgelija, que les migrants traversaient ces derniers jours pour passer illégalement en Macédoine en provenance de la Grèce.

Le comportement de la police macédonienne a été vivement dénoncé par Amnestie Internationals.

«Ce genre de réponse paramilitaire et cette manière inacceptable de repousser [les migrants] est une violation de la loi internationale. Les autorités macédoniennes ont répondu comme si elles avaient en face des émeutiers et non pas des réfugiés qui ont fui le conflit et les persécutions», a déclaré dans un communiqué Gauri van Gulik, un responsable de cette organisation de défense des droits de l'homme.

Le nombre de migrants coincés dans ce no man's land avait augmenté durant la nuit de jeudi à vendredi de 1500 à quelque 3000 personnes, la plupart des réfugiés syriens.

Des centaines de familles, dont beaucoup avec de petits enfants, s'y trouvaient depuis plus de deux jours, guettant par une très grande chaleur la possibilité de passer sur le territoire macédonien. Ils ont dressé un campement de fortune sur une plaine poussiéreuse. Des familles entières s'entassaient dans des petites tentes, selon des journalistes de l'AFP.

«Nous sommes pourchassés en Syrie parce que nous sommes chrétiens. Ils ont voulu nous tuer. Pourquoi ils ne nous laissent pas passer par ici?», lance Jacob, 42 ans, qui tient par la main son fils de six ans.

Le gouvernement macédonien a décrété jeudi l'état d'urgence, une mesure lui permettant de déployer les forces armées dans cette zone pour aider les autorités locales et la police à gérer la «crise».

Des milliers de migrants sont arrivés ces derniers jours dans le sud de la Macédoine en provenance de Grèce, 42 000 au total depuis le 19 juin, dont plus de 7000 enfants, a précisé vendredi le gouvernement.

Dans l'après-midi, les autorités macédoniennes ont ouvert le passage vers la gare ferroviaire de Gevgelija à plusieurs centaines de personnes, précisant que cette mesure ne concernait que des «catégories vulnérables», à savoir des familles avec des enfants et des femmes enceintes.

«La police nous a permis d'entrer dans le pays», a dit à l'AFP Syrian Salim, 17 ans. Ce jeune Syrien explique avoir fait le trajet seul depuis la Turquie où sa famille est restée dans un camp de réfugiés.

«Nous ne voulons pas faire demi-tour. Nous sommes épuisés par la marche et nous sommes épuisés par la situation en Syrie. Mon père a été tué par un obus. Je n'ai plus personne là-bas et je dois partir», dit un étudiant de biologie de Damas, sous le couvert de l'anonymat.

La sélection des migrants autorisés à franchir la frontière a provoqué de vives protestations parmi des centaines d'autres qui sont restés derrière le cordon policier, a constaté l'AFP.

Quelque 300 à 400 migrants sont montés à bord d'un train qui a quitté la gare de Gevgelija vers 15 h 30 GMT (11 h 30, heure de l'Est), en direction du nord du pays, ont dit à l'AFP des membres du Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR).

Ils devront ensuite traverser aussi la Serbie, pour parvenir à la frontière avec la Hongrie, pays membre de l'Union européenne, qui est en train d'ériger une clôture de quatre mètres de haut et 175 km de long pour empêcher les migrants de passer.