Le président turc Recep Tayyip Erdogan a appelé vendredi à la tenue de nouvelles législatives le 1er novembre, moins de six mois après un premier scrutin qui a plongé la Turquie dans une impasse politique, après l'échec pour la formation d'une coalition gouvernementale.

«Si Dieu le veut, la Turquie va revoter pour de nouvelles élections législatives le 1er novembre», a déclaré le président devant des journalistes, à sa sortie d'une mosquée à Istanbul. Recep Tayyip Erdogan a annoncé qu'il rencontrerait le président du Parlement lundi pour prendre les dispositions nécessaires et officialiser la décision.

«Est-ce que le président peut appeler à des élections anticipées selon la Constitution? Oui, il peut», a déclaré M. Erdogan pour couper court à toute polémique.

Le chef de l'État a usé de ses prérogatives et est passé outre une autre disposition, qui prévoyait que le Parlement se prononce sur l'opportunité d'un nouveau scrutin.

Dans ces conditions, le pays devra se doter d'un gouvernement de transition, composé des représentants de chacun des quatre partis qui siègent au Parlement et possiblement d'indépendants, en attendant le prochain vote. La Turquie n'avait pas eu recours à un tel cas de figure depuis 1971.

Une hypothèse d'ores et déjà rejetée par l'opposition: sociaux-démocrates (CHP, deuxième force au parlement) et nationalistes (MHP, troisième force) ont exclu toute participation à un tel gouvernement.

Le Parti de la Justice et du développement (AKP, islamoconservateur), qui règne sans partage depuis 2002, a subi un revers en perdant sa majorité lors du scrutin du 7 juin, l'obligeant à négocier avec l'opposition pour former un gouvernement de coalition. En vain.

«Nous avançons rapidement vers des élections», avait déclaré mercredi le chef de l'État.

Une nouvelle majorité 

L'opposition estime que le président turc n'a cessé de jouer sur la peur et l'instabilité croissantes pour obtenir un nouveau scrutin dans l'espoir que l'AKP retrouve sa majorité gouvernementale.

«Une seule personne a pris la Turquie en otage avec ses ambitions», a martelé jeudi le porte-parole du CHP, Haluk Koç, dans une critique à peine voilée contre l'homme fort de Turquie.

La presse a fait état ces derniers jours de ministres ou officiels turcs hués par la foule lorsqu'ils assistaient aux funérailles de soldats ou de policiers, en signe de désapprobation de l'offensive militaire décidée par le gouvernement.

La Turquie vit depuis un mois une escalade de la violence marquée par des affrontements quotidiens avec les rebelles du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK).

Officiellement, Ankara a lancé une «guerre contre le terrorisme», contre les djihadistes du groupe État islamique (EI) et les rebelles kurdes, mais dans les faits, l'aviation turque concentre ses frappes sur le PKK.

En réponse, les rebelles kurdes ont rompu un cessez-le-feu avec Ankara en vigueur depuis 2013 et repris les armes, rappelant «la sale guerre» des années 1990.

Avec la résurgence d'un conflit vieux de 30 ans avec le PKK, qui a coûté la vie à plus de 40 000 personnes, M. Erdogan espère marginaliser le Parti démocratique du peuple (HDP, prokurde), qui a obtenu 13% des voix lors du scrutin de juin et privé l'AKP de majorité.

Selon des analystes, en jouant sur la fibre nationaliste, il espère obtenir un effritement de la popularité du HDP, accusé d'être proche du PKK, et remobiliser les nationalistes vers l'AKP.

L'autre objectif pour celui qui a été premier ministre de 2003 à 2014, avant de devenir l'an dernier le premier président turc élu au suffrage universel direct, est de réformer la Constitution pour étendre les pouvoirs dévolus au chef de l'État.

Il a récemment provoqué l'ire de ses opposants en suggérant que le système présidentiel était «de facto» en place.