Pour la première fois, la Russie a déclaré mardi «indésirable» une ONG étrangère, tandis qu'une autre, russe et enregistrée en tant qu'«agent de l'étranger», a annoncé cesser ses activités, l'étau des autorités semblant se resserrer autour des ONG russes comme étrangères.

La National Endowment for Democracy (NED), organisation américaine dont le but déclaré est la promotion de la démocratie dans le monde, est devenue mardi la première ONG étrangère à être qualifiée par les autorités d'«indésirable» en Russie.

En vertu d'une loi promulguée en mai par le président Vladimir Poutine, les organisations étrangères actives en Russie signalées comme «indésirables» peuvent être interdites sur le territoire russe, qu'il s'agisse d'ONG ou d'entreprises.

«Cette loi, comme celles qui la précèdent, contredit la Constitution russe ainsi que de nombreuses lois et de nombreux traités internationaux», a protesté la NED dans un communiqué. «Le véritable objectif de ces lois est d'intimider et d'isoler les citoyens russes».

Le département d'État américain s'est dit aussi «profondément troublé» par cette décision, le signe selon Washington de «la répression croissante du gouvernement russe contre les voix indépendantes».

«Nous exhortons le gouvernement russe à maintenir ses obligations internationales en matière de libertés d'expression, de rassemblement pacifique, d'association et d'État de droit», a prévenu la diplomatie américaine dans un communiqué.

La décision du Parquet doit être soumise au ministère russe de la Justice, qui doit désormais décréter l'interdiction des activités de la NED sur le territoire russe.

Fondée en 1983, la NED se destine au «développement et au renforcement des institutions démocratiques dans le monde» et tire la plus grande partie de son financement du Congrès américain, selon son site internet. Son siège est à Washington.

Mais le Parquet estime dans un communiqué la qualifiant d'«indésirable» que la NED «constitue une menace pour les fondements du système constitutionnel de la Russie, pour sa défense et pour sa sécurité».

Des sénateurs russes avaient déjà inscrit début juillet la NED sur une liste de 12 organisations étrangères, américaines, ukrainiennes et polonaises, dont ils demandaient l'interdiction.

Sur cette liste d'ONG «indésirables», figurait également la fondation américaine MacArthur, qui a annoncé mercredi dernier mettre fin à ses activités en Russie où elle finançait depuis 1992 des bourses dans des domaines comme l'éducation et les droits de l'homme.

À l'instar de la fondation MacArthur, le Comité russe contre la torture, l'une des dernières organisations de défense des droits de l'homme actives en Tchétchénie, a annoncé préférer cesser son travail plutôt que d'être étiqueté «agent de l'étranger».

«Nous y sommes forcés pour une seule raison: la loi qui nous demande de nous enregistrer en tant qu'agent de l'étranger», a déclaré son président Igor Kaliapine.

Afin de ne pas être qualifiés d'«agents de l'étranger», les militants du Comité russe contre la torture ont dit vouloir fonder un nouveau groupe, le «Comité pour éviter la torture».

Une loi, votée en 2012, oblige les organisations bénéficiant d'un financement de l'étranger et ayant une «activité politique» à s'enregistrer en tant qu'«agent de l'étranger», une dénomination qui rappelle celle appliquée aux «ennemis du peuple» et dissidents à l'époque de l'URSS.

Au total, 81 organisations non gouvernementales présentes en Russie ont été ainsi classées depuis l'entrée en vigueur de la loi. Ce statut, qui ne les empêche pas de poursuivre leurs activités mais qui les oblige à se présenter en tant qu'«agents de l'étranger» dans toute communication publique, est refusé par de nombreuses ONG.

Le Comité russe contre la torture doit cesser ses activités

Le Comité russe contre la torture, l'une des dernières organisations de défense des droits de l'homme actives en Tchétchénie, a annoncé mettre fin à ses activités après avoir été qualifié d'«agent de l'étranger» par les autorités, promettant néanmoins de renaître sous un autre nom.

«À partir de la semaine prochaine, le Comité cessera de fonctionner», a annoncé son président Igor Kaliapine lors d'une conférence de presse mardi. «Nous y sommes forcés pour une seule raison : la loi qui nous demande de nous enregistrer comme agent de l'étranger».

Au total, 81 organisations non gouvernementales présentes en Russie ont été ainsi classées depuis l'entrée en vigueur de la loi. Ce statut, qui ne les empêchent pas de poursuivre leurs activités, mais qui les oblige à s'afficher en tant que tel dans toute communication publique, est refusé par de nombreuses ONG, comme le Comité contre la torture.

«Il va de soi que (ce statut) est inacceptable, car il est tout simplement faux», a martelé M. Kaliapine.

Afin de ne pas être soumis à ce statut, les militants du Comité russe contre la torture vont fonder un nouveau groupe, le «Comité pour éviter la torture».

Cette nouvelle organisation refusera toute aide financière étrangère et n'acceptera que les financements russes, pour ne pas prendre le risque d'être à nouveau étiquetée «agent de l'étranger», a expliqué M. Kaliapine.

Près de la moitié des fonds du Comité russe contre la torture provenaient de donations de fonds internationaux.

Début juin, les locaux du comité à Grozny, la capitale tchétchène, avaient été saccagés par des inconnus masqués, après une première attaque en décembre.