L'ancien comptable d'Auschwitz Oskar Gröning, 94 ans, a été condamné mercredi en Allemagne à quatre ans de prison pour «complicité» dans le meurtre de 300 000 Juifs, épilogue de ce qui pourrait être le dernier procès nazi.

Sans réaction apparente, le vieil homme a écouté le tribunal de Lunebourg (nord) lui reprocher d'avoir accepté «un travail de bureau sûr» dans une «machine entièrement destinée à tuer des gens», «inhumaine» et «insupportable pour l'esprit humain».

Ce verdict est légèrement supérieur aux trois ans et demi d'emprisonnement requis le 7 juillet par le parquet, mais dans le bas de la fourchette de trois à 15 ans de prison encourus pour de tels crimes.

Oskar Gröning est reparti libre. Compte tenu de son âge, il est peu probable qu'il soit jugé médicalement apte à être incarcéré, selon une source judiciaire, d'autant qu'un éventuel recours suspendrait l'exécution de la peine.

Les représentants de la cinquantaine de parties civiles ont salué cette condamnation dans un communiqué, y voyant néanmoins un «pas trop tardif vers la justice». Moshe Kantor, président du Congrès juif européen, a de son côté souligné «la signification historique» du procès, «et l'occasion qu'il offre d'éduquer une génération bien trop éloignée des horreurs de l'Holocauste», 70 ans après la libération des camps nazis.

Dans ses réquisitions, le procureur avait mis en balance la «contribution mineure» de l'ancien SS au fonctionnement d'Auschwitz, devenu emblématique de l'enfer concentrationnaire, avec le nombre «presque inimaginable» de victimes.

Si Oskar Gröning a d'emblée assumé une «faute morale» et a présenté à plusieurs reprises ses excuses, sa défense avait plaidé l'acquittement, estimant qu'il n'avait «nullement favorisé l'Holocauste, du moins pas d'une manière pertinente sur le plan pénal».

«Le premier à s'excuser»

Bien avant d'être rattrapé par la justice, cet ancien engagé volontaire dans les Waffen SS avait livré le récit de ses deux ans passés à Auschwitz, de 1942 à 1944, dans un mémoire pour ses proches puis dans de longues interviews destinées à «lutter contre le négationnisme».

«Auschwitz est un endroit auquel personne n'aurait dû participer», a déclaré mardi le nonagénaire, la voix tremblante et le corps éprouvé par trois mois d'audience, faisant sienne la phrase de l'un des représentants des victimes.

Dans leur communiqué, les avocats des parties civiles se sont d'ailleurs félicités «que pour la première fois, après un demi-siècle de procès des crimes nazis, un accusé reconnaisse formellement sa faute et s'en excuse».

Les charges contre Gröning reposaient sur deux points: on lui reprochait d'avoir soutenu économiquement le régime, en envoyant l'argent des déportés à Berlin, et surtout d'avoir assisté par trois fois à la «sélection» séparant, à l'entrée du camp, les nouveaux arrivants jugés aptes au travail de ceux qui étaient immédiatement tués.

L'ancien soldat s'était défendu en assurant que son rôle consistait uniquement à éviter les vols dans les bagages des déportés, sans lien avec le processus d'extermination, et en rappelant ses trois demandes infructueuses de transfert sur le front.

«On a pu témoigner»

Cette longue audience, transférée pour l'occasion dans une salle de spectacle souvent comble, a permis d'entendre les témoignages bouleversants de survivants d'Auschwitz. Alors que certains ont exprimé leur déception que l'accusé ne leur ait pas formellement présenté des excuses, d'autres ont évoqué l'effet cathartique des audiences.

«Je ne veux pas de vengeance, mais je trouve que c'est un verdict juste», confiait à l'AFP Leon Schwarzbaum, 94 ans, détenu deux ans à Auschwitz et qui a perdu «30 membres de (sa) famille» dans la Shoah.

Ni l'action de la justice ni les mots de l'accusé «n'effacent» une telle souffrance, expliquent les parties civiles dans leur communiqué. Mais «nous avons pu témoigner du crime monstrueux et indicible commis contre nos familles et nous-mêmes», poursuivent-elles.

Le procès Gröning illustre la sévérité accrue de la justice allemande à l'égard des derniers nazis encore vivants, depuis la condamnation en 2011 de John Demjanjuk, ex-gardien de Sobibor, à cinq ans de prison. Ces décisions tardives contrastent avec le peu de condamnations, à des peines souvent faibles, prononcées pendant des décennies.

Le patron de l'office fédéral chargé d'enquêter contre les crimes nazis, Kurt Schrimm, a récemment déclaré au quotidien Bild que des enquêtes contre d'anciens gardes de camps nazis étaient toujours en cours, même si «beaucoup ont dû être abandonnées» en raison du décès ou de l'état de santé des suspects.

Quelque 1,1 million de personnes, dont un million de Juifs, ont péri entre 1940 et 1945 à Auschwitz-Birkenau, libéré par les troupes soviétiques fin janvier 1945.