À six jours d'un référendum qui fait trembler l'Europe, le président de la Commission européenne s'est lancé lundi dans la bataille pour le «Oui», tentant de convaincre les Grecs de ne pas tourner le dos à l'euro au moment où leur pays, au bord du gouffre financier, a dû fermer ses banques.

«Un "non" voudrait dire (...) que la Grèce dit "non" à l'Europe», s'est exclamé à Bruxelles le président de la Commission, Jean-Claude Juncker, critiquant très vivement le gouvernement de gauche radicale d'Alexis Tsipras et se disant «trahi» par la Grèce.

«Je demanderai aux Grecs de voter oui», a-t-il dit, «parce que les Grecs fiers d'eux-mêmes et de leur pays doivent dire oui à l'Europe». «Il ne faut pas se suicider parce qu'on a peur de la mort», a-t-il affirmé dans une conférence de presse à Bruxelles, en guise de mise au point.

Depuis samedi, la crise qui oppose le gouvernement grec aux créanciers de la Grèce, Union européenne et Fonds monétaire international, a pris une tournure dramatique et inédite.

Réagissant à l'annonce surprise par Alexis Tsipras d'un référendum le 5 juillet sur le plan d'aide financière proposé par les créanciers, la zone euro a décidé de ne pas prolonger l'assistance à Athènes : la Grèce, dont les caisses sont vides, risque dès lors le défaut de paiement puisqu'elle doit rembourser avant mardi soir quelque 1,5 milliard d'euros (plus de 2 milliards de dollars) au FMI.

Au-delà se profile le scénario noir d'une possible sortie de la zone euro.

Pour ou contre l'euro

Pour éviter un effondrement bancaire, le gouvernement grec a décidé dimanche de verrouiller le secteur financier et mis en place un contrôle des capitaux.

Les banques resteront fermées jusqu'au 7 juillet, une décision qui a déstabilisé les Bourses mondiales sans toutefois les faire paniquer.

Les places européennes ont accusé le coup dès l'ouverture, chutant autour de 4 % à Francfort et Paris avant de se redresser un peu, tandis que celle de Londres perdait environ 2 %. À New York, Wall Street a ouvert en baisse, le Dow Jones reculant de 0,41 %.

La Bourse d'Athènes s'est mise à l'abri des secousses en fermant pour une semaine.

Alors que le gouvernement grec, refusant de soumettre la Grèce à une austérité accrue, a refusé les propositions des créanciers, le référendum ressemble désormais à une consultation sur le maintien ou non dans la zone euro, bien qu'Athènes réfute cette interprétation.

Le référendum relève du «choix souverain» du peuple grec sur son maintien ou non dans la zone euro, a déclaré le président français François Hollande.

Toutefois, malgré l'échec de tous les pourparlers, les portes ne semblaient pas définitivement fermées lundi.

La chancelière allemande Angela Merkel est ainsi prête à de nouvelles négociations avec la Grèce «après le référendum».

«Si l'euro échoue, l'Europe échoue», a aussi mis en garde Angela Merkel. «Si nous perdons la capacité à trouver des compromis, alors l'Europe est perdue».

«Jouer une démocratie contre 18 n'est pas une attitude qui convient à la Grèce», s'est emporté Jean-Claude Juncker, très tendu. «En Europe, aucune démocratie ne vaut plus qu'une autre et dans la zone euro il y a 19 démocraties, non une contre 18 et non 18 contre une».

Le gouvernement grec lui a répondu de façon lapidaire en mettant en cause sa «sincérité», qualité jugée «nécessaire» dans une négociation.

Appel au «sang-froid»

En Grèce, où le gouvernement a appelé la population au «sang-froid», les retraits aux guichets automatiques seront limités jusqu'au 6 juillet inclus, à 60 euros (environ 83 $) par jour et par carte.

Lundi midi, les distributeurs automatiques ont recommencé à être approvisionnés, ce qui a entraîné la constitution de files d'attente.

Les touristes étrangers, qui alimentent un moteur vital de l'économie de la Grèce, et toute personne possédant une carte de crédit d'un pays étranger ne sont pas concernés par la limitation des retraits.

La population, quant à elle, ne cachait pas ses inquiétudes face à ce saut dans l'inconnu : «Demain, c'est le jour de la paie. Mais maintenant, les banques sont fermées et le patron n'a pas d'argent... Comment va-t-on faire? Il faut qu'on règle nos factures», s'alarmait Sofia Chronopoulos, une vendeuse de tissus à Athènes.

Dimanche à la télévision, Alexis Tsipras avait assuré d'un ton ferme que «les dépôts des citoyens dans les banques grecques» étaient «absolument garantis», tout comme le versement des salaires et des retraites.

M. Tsipras a estimé que c'était le refus des ministres des Finances de la zone euro de prolonger le programme d'aide à son pays au-delà du 30 juin qui avait contraint à ce contrôle des capitaux inédit.

Mais il a aussi reformulé dimanche auprès de l'UE et de la Banque centrale européenne la demande de la Grèce d'une prolongation du programme d'aide dont elle bénéficie. «J'attends leur réponse immédiate à cette requête démocratique de base», a-t-il dit dans son allocution télévisée.

La BCE a aussi donné un répit à la Grèce en maintenant intact dimanche le plafond de fourniture de liquidités d'urgence aux banques grecques, alors qu'on craignait qu'elle leur coupe les vivres.