Vladimir Poutine a annoncé mardi le renforcement de la force de frappe nucléaire russe en réponse au projet américain d'installation d'armes lourdes en Europe de l'est, déclenchant la colère de l'OTAN qui fustige une décision «dangereuse».

«Cette année, plus de 40 nouveaux missiles balistiques intercontinentaux, capables de résister aux systèmes de défense antiaérienne les plus sophistiqués, seront déployés au sein des forces nucléaires russes», a déclaré le président russe Vladimir Poutine lors de l'ouverture d'un salon militaire près de Moscou.

Le chef de l'État russe a également salué la mise en service sous peu d'un nouveau sous-marin lanceur d'ogives nucléaires, le «Vladimir Monomaque».

Ses déclarations sur les missiles ont suscité la condamnation immédiate de l'OTAN. «C'est injustifié, c'est déstabilisant et dangereux», a dénoncé le secrétaire général Jens Stoltenberg lors d'un point de presse à Bruxelles.

«La déclaration de M. Poutine aujourd'hui confirme (...) le comportement de la Russie depuis un moment déjà. Nous avons vu que la Russie investit plus dans la défense en général, et en particulier dans les capacités nucléaires», a-t-il ajouté.

De son côté, le secrétaire d'État américain John Kerry a dit craindre un retour à la Guerre froide après l'annonce par le président Poutine. «Nous avons eu une énorme coopération depuis les années 1990 en matière de destruction des armes nucléaires qui se trouvaient sur les anciens territoires de l'Union soviétique et personne ne veut que nous fassions marche arrière», a-t-il plaidé.

Devant la presse, le président russe a expliqué que la Russie devait se défendre avec «ses forces armées et sa force de frappe» si elle est «menacée», car «l'OTAN arrive» à ses frontières.

«Si quelqu'un place sous la menace certains de nos territoires, nous devons pointer nos forces armées et notre force de frappe vers les territoires d'où vient la menace», a dit M. Poutine lors d'une rencontre près de Moscou avec son homologue finlandais Sauli Niinisto.

«L'OTAN à nos frontières»

«C'est l'OTAN qui arrive à nos frontières et non pas nous qui allons quelque part», a-t-il ajouté.

L'annonce de M. Poutine intervient trois jours après la révélation par le quotidien américain New York Times d'un projet à l'étude au Pentagone de déploiement d'armes lourdes dans des pays d'Europe de l'Est.

Sans commenter ces projets, le secrétaire général de l'OTAN a défendu mardi le droit pour les Alliés de «prépositionner» des équipements sur la frontière orientale de l'OTAN.

«Nous augmentons notre présence à l'est de l'Alliance en réponse à un environnement sécuritaire nouveau», a-t-il expliqué.

«Tout ce que nous faisons est conforme à nos obligations», a-t-il assuré.

Le ministre polonais de la Défense, Tomasz Siemoniak, avait déclaré dimanche mener des «pourparlers» avec Washington «en faveur d'une présence militaire américaine maximale en Pologne et sur tout le flanc Est de l'OTAN».

Washington explique vouloir rassurer les pays baltes et d'autres pays d'Europe de l'Est très inquiets depuis l'annexion de la Crimée et le déclenchement du conflit en Ukraine, où des séparatistes pro-russes contestent l'autorité de Kiev.

Selon le New York Times qui cite des sources américaines et alliées anonymes, le Pentagone pourrait déployer des armes lourdes, notamment des chars, pour une force militaire allant jusqu'à 5000 soldats.

Le secrétaire américain à la Défense, Ashton Carter, devrait informer ses 27 homologues des projets du Pentagone lors d'une réunion des ministres de la Défense de l'OTAN mercredi et jeudi prochains, selon M. Stoltenberg.

Ce serait la première fois que les États-Unis déploient des armes lourdes dans des pays qui, avant de devenir membres de l'OTAN à partir de 1999, ont appartenu à la sphère d'influence de l'URSS au sein des forces du Pacte de Varsovie.

Selon la nouvelle doctrine militaire entérinée fin 2014 par Vladimir Poutine, l'expansion de l'OTAN est une menace pour la sécurité de la Russie.

Jeudi, Moscou avait déjà mis en garde Washington contre le déploiement de missiles américains de courte et moyenne portée en Europe, qu'elle interprète comme étant dirigé avant tout contre elle.

L'installation de ces missiles mènerait à «la destruction totale par la partie américaine du régime établi par le Traité sur les forces nucléaires à portée intermédiaire (FNI), avec toutes les conséquences qui en découlent», avait averti son ministère des Affaires étrangères.

La Russie a renforcé son budget militaire, qui représente désormais 21% de son budget total, un doublement par rapport à 2010, d'après le think-tank indépendant Gaïdar.