Les médias russes, aux ordres du Kremlin, créent un climat de «violence» et de «terreur», dénonce dans un texte publié mardi qui a tout d'une lettre d'adieu à la Russie la fille aînée de l'opposant russe Boris Nemtsov, assassiné en février.

«La mort de mon père le 27 février 2015 est un règlement de comptes politique, et les chefs des chaînes de télévision publiques en sont personnellement responsables», écrit Janna Nemtsova, 31 ans et journaliste pour la chaîne de télévision indépendante russe RBK-TV, dans une tribune publiée par le quotidien russe des affaires Vedomosti.

«La machine médiatique de Poutine (...) répand une haine qui engendre violence et terreur», avant tout contre «les opposants russes, les critiques de la politique de Poutine, les Ukrainiens, les Américains, les Européens», estime la fille de l'opposant.

La télévision russe, accusée de répandre la propagande du Kremlin, est devenue «une arme de destruction massive (...) capable de provoquer une nouvelle vague de violences incontrôlable», assure-t-elle.

«Ceux qui sont contaminés par la haine commettent de nouveaux crimes, mais déjà de leur propre initiative», ajoute Janna Nemtsova.

Dans une interview accordée jeudi à la radio Svoboda, Janna Nemtsova avait indiqué avoir quitté la Russie, refusant toutefois de préciser si son départ était définitif.

Tous ceux qui «évoquent les problèmes du pays, qui critiquent ouvertement Poutine et sa politique sont menacés d'une manière ou d'une autre», a-t-elle assuré, prédisant que «la situation en Russie empirerait» encore.

Interrogée par l'AFP sur son départ, Janna Nemtsova, dont on ignore dans quel pays elle se trouve actuellement, s'est refusée à tout commentaire. «Je ne fais pas de commentaires pour l'instant», a-t-elle également écrit sur sa page Facebook.

Selon l'avocat de la famille, Vadim Prokhorov, «elle ne rentrera pas en Russie dans un avenir proche», tant que les commanditaires du meurtre de Boris Nemtsov seront en liberté.

Fin mars, cinq suspects, originaires des républiques caucasiennes russes de Tchétchénie et d'Ingouchie, ont été arrêtés à la suite de l'assassinat de l'opposant russe et inculpés de «meurtre commandité».

Boris Nemtsov, 55 ans, a été abattu de quatre balles dans le dos au pied du Kremlin le 27 février, au moment où il rentrait chez lui avec sa compagne ukrainienne.

L'opposition russe, sous le choc de la perte de cette figure, hésite sur la stratégie à adopter face à ce qu'elle considère comme un tour de vis du Kremlin. Certains ont choisi de poursuivre la lutte au sein d'une coalition regroupant les maigres forces libérales et démocrates, avec notamment l'opposant Alexeï Navalny.

D'autres opposants et journalistes indépendants, voire des rédactions entières comme celle du site internet Meduza installée en Estonie, ont déjà fait le choix de partir.

Une militante écologiste connue pour son combat contre le passage d'une autoroute par une forêt près de Moscou, Evguenia Tchirikova, a récemment annoncé son exil en Estonie de peur de la répression et de voir ses deux enfants devenir la cible de «chantages».