Des heurts entre militants des droits des homosexuels et ultranationalistes ont éclaté samedi à Kiev, causant au moins une dizaine de blessés et 25 interpellations lors de la deuxième parade de la fierté gaie de l'histoire de l'Ukraine, où l'homophobie reste répandue.

Organisée dans un lieu dévoilé à la dernière minute, loin du centre-ville, la «marche pour l'égalité» a réuni une centaine de militants pendant une dizaine de minutes, avant de dégénérer avec des jets de pierres et d'ordures sur le défilé et les policiers déployés pour les protéger.

«J'ai très peur, mais je suis aussi très fière de moi, d'être venue», a déclaré à l'AFP Vira, une militante LGBT de 31 ans refusant de donner son nom par crainte de représailles, qui a fait la route depuis Kharkiv, grande ville industrielle proche de la zone du conflit dans l'Est séparatiste prorusse.

«La marche d'aujourd'hui est un évènement marquant. C'est probablement la seule chose que l'Ukraine ait faite et qui va dans le sens de ses promesses proeuropéennes», a estimé de son côté un autre participant, Nazar.

Avant même le début de la marche, une vingtaine de militants ultranationalistes s'étaient déjà réunis à proximité afin de la perturber. La plupart portaient des cagoules noires recouvrant leur visage.

Un minibus, aux couleurs noir et rouge et portant l'emblème du mouvement nationaliste Pravy Sektor, qui avait été très actif durant la contestation proeuropéenne du Maïdan et participe actuellement aux combats contre la rébellion séparatiste dans l'est du pays, était garé dans la zone, selon un journaliste de l'AFP sur place.

Des heurts ont rapidement éclaté avec les forces de l'ordre. Les ultranationalistes ont jeté des pierres, mais aussi des bennes à ordures sur la police.

Neuf policiers ont été blessés, a indiqué le ministère de l'Intérieur dans un communiqué, précisant que l'un d'eux se trouvait dans un état grave. Un journaliste de l'AFP a également vu un militant ultranationaliste blessé.

L'ONG Amnestie internationale a de son côté affirmé dans un communiqué qu'«environ 10 manifestants avaient été blessés après avoir été attaqués par des protestataires homophobes».

Selon la police, 25 personnes ont été interpellées.

Sortir de l'ombre

«Davantage de mesures auraient dû être prises à l'avance pour tenter d'empêcher cela», a réagi Amnestie, estimant que la police s'était organisée à la dernière minute pour assurer la sécurité de la marche. «Le pays a encore du chemin à faire sur la voie menant vers une société plus tolérante», a souligné l'ONG.

L'homosexualité, qui était punie par la loi en URSS, reste très stigmatisée en Ukraine, ex-république soviétique où l'Église orthodoxe a une forte influence.

La première Fierté gaie dans l'histoire de l'Ukraine indépendante avait eu lieu en 2013, réunissant près de cent personnes à Kiev. En 2014, la «marche de l'égalité» avait été annulée, la police ayant refusé d'en assurer la sécurité.

Si les mouvements nationalistes avaient dit leur opposition à la marche, le président ukrainien Petro Porochenko a exprimé son soutien à la «marche de l'égalité», ajoutant toutefois qu'il ne souhaitait pas y participer.

«J'observe la marche de l'égalité à la fois en tant que chrétien et en tant que président européen. Et je pense que ces deux idées sont tout à fait compatibles», a-t-il déclaré vendredi.

Les militants ont brandi des drapeaux aux couleurs de l'arc-en-ciel et des pancartes. «J'ai le droit d'être ici», proclamait l'une d'elles.

«La communauté LGBT est sortie de l'ombre aujourd'hui et a montré qu'elle voulait que ses droits soient reconnus. Mon fils est homosexuel et je regrette profondément que les hétérosexuels ne soient pas venus soutenir leurs enfants», a ajouté une autre participante, Olena Globa.

Elle a cependant admis «avoir eu très peur» d'y participer et «avoir encore peur».