L'Union européenne mettait le cap jeudi sur une opération navale contre les passeurs de migrants en Méditerranée dès la semaine prochaine, espérant un feu vert de l'ONU, alors qu'environ 2.000 personnes ont encore été secourues en mer.

Les 28 ont adopté un concept d'opération (CMC), document d'une quarantaine de pages dessinant les contours de la mission et décrivant les étapes envisagées pour s'attaquer aux trafiquants et à leurs bateaux, ont indiqué trois sources concordantes à l'AFP.

L'opération qui doit «détruire le business model» des trafiquants qui exploitent le désespoir des migrants en leur faisant quitter la Libye sur des embarcations de fortune, devrait être lancée en juin, lors d'un sommet des chefs d'État européens à Bruxelles.

Au total, quelque 2000 migrants ont été secourus jeudi par divers navires de plusieurs nationalités, coordonnés par les gardes-côtes italiens. Environ 1100 l'avaient été la veille et sont arrivés dans l'après-midi à Catane, en Sicile.

«Les meurtres, les combats avec Boko Haram, c'est trop. Nous sommes partis en avril 2014 en Libye, mais la Libye est dangereuse aussi», a alors expliqué à l'AFP Sandra Kite, une Nigériane de 23 ans enceinte de sept mois, secourue par un navire britannique.

Jeudi, le ministre allemand des Affaires étrangères Frank-Walter Steinmeier s'est montré optimiste quant à l'aval de l'ONU.

«J'ai l'impression qu'il n'y a pas de veto de principe de l'une des puissances qui en disposent», a-t-il dit, en référence au cinq membres permanents du Conseil de sécurité des Nations unies.

Les discussions, «à ce stade», portent surtout sur «une question de formulation» de la résolution qui donnerait une base juridique à cette mission militaire sans précédent, a ajouté M. Steinmeier, en marge d'une réunion de l'OTAN à Antalya, dans le sud-ouest de la Turquie.

La Russie semble prête à soutenir un texte qui ne mentionne pas la destruction des navires. Il ne devrait toutefois pas être adopté avant la fin de la semaine prochaine, voire la semaine suivante, selon une source européenne.

L'opération, intitulée EU Navfor Med, a été approuvé par les 28 États membres de l'UE lors d'une réunion préparatoire mercredi.

Les ministres des Affaires étrangères et de la Défense devraient formellement décider de l'établir lors d'une réunion à Bruxelles lundi, selon des diplomates.

Plusieurs grands pays de l'UE --France, Grande-Bretagne, Allemagne, Italie, Espagne-- ont promis de fournir des bâtiments de guerre. D'autres, comme la Pologne ou la Slovénie, pourraient détacher des avions de surveillance ou des hélicoptères.

Un commandant italien 

«Le quartier général sera à Rome et l'amiral italien Enrico Credendino devrait être le futur commandant opérationnel», a précisé à l'AFP un diplomate européen.

Les chefs d'État et de gouvernement européens s'étaient réunis en urgence le 23 avril après un nouveau naufrage dramatique au large des côtes libyennes dans lequel quelque 800 migrants ont péri.

Ils avaient demandé à la chef de la diplomatie européenne, Federica Mogherini, de préparer une opération militaire pour «capturer et détruire les embarcations avant qu'elles ne soient utilisées» par les passeurs, et ce «dans le respect du droit international»

Il s'agit de s'attaquer aux puissants navires utilisés par les passeurs, souvent armés, pour tracter jusqu'en haute mer les embarcations de fortune chargées de migrants, ensuite laissées à la dérive, ce qui revient pour les trafiquants à sous-traiter leur sauvetage aux autorités italiennes.

Ou de les empêcher de récupérer les bateaux après une opération de secours. A deux reprises, des passeurs ont ouvert le feu sur les garde-côtes italiens pour qu'ils laissent le navire vide s'échapper.

Les Européens ont prévu de procéder par étapes, en commençant par la collecte de renseignements sur les réseaux de passeurs, par radar, images satellitaires et vols de reconnaissance.

Dans les eaux internationales, les navires ne battant aucun pavillon peuvent être arraisonnés et neutralisés. Mais pour entrer dans les eaux territoriales libyennes ou capturer des bateaux battant pavillon étranger, il faut le feu vert de l'ONU.

Mme Mogherini a exclu toute intervention militaire terrestre contre les trafiquants en Libye, pays plongé dans le chaos et où les djihadistes du groupe État islamique se sont implantés.

«Si jamais ils ont des actifs à terre, se pose la question de "comment les atteindre?"», a précisé un diplomate. «On tirera depuis la mer.»

Plusieurs sources assurent qu'il n'est pas question d'entreprendre des attaques qui pourraient faire des victimes civiles. Cibler les ports ou les camps des trafiquants semble donc exclu.