Le président russe Vladimir Poutine et le secrétaire d'État John Kerry ont eu mardi à Sotchi quatre heures d'entretiens qualifiés côté américain de «francs» et «productifs», premiers signes de détente entre Moscou et Washington après plus d'un an de crise en Ukraine.

 Dans une conférence de presse commune qui s'est tenue à l'issue de quatre autres heures d'entretiens, cette fois entre M. Kerry et son homologue russe Sergueï Lavrov, les deux chefs de la diplomatie ont manifesté leur volonté de travailler à nouveau ensemble sur les grands sujets internationaux.

«Nous n'étions pas toujours d'accord pendant notre conversation, mais la rencontre d'aujourd'hui nous a permis de mieux nous comprendre», a salué M. Lavrov.

M. Kerry, qui est arrivé tôt mercredi depuis Sotchi à la station balnéaire d'Antalya (Turquie) pour participer à un sommet de l'OTAN, a de son côté souligné le «besoin urgent» de trouver une position commune dans les dossiers épineux qui agitent le monde.

Alors que les deux puissances traversent la pire crise de leurs relations diplomatiques depuis la chute de l'URSS en 1991, la simple venue du secrétaire d'État, première visite d'un haut responsable américain depuis le déclenchement du conflit en Ukraine, était en soi le signe d'une volonté de renouer des liens.

Sur son compte Twitter, M. Kerry a qualifié ses entretiens avec le président russe de «francs et «productifs».

Le secrétaire d'État a d'autre part avancé l'idée d'une levée des sanctions occidentales, adoptées par étapes après l'annexion de la Crimée par la Russie, si la trêve était respectée en Ukraine - une manière de rappeler aux Russes leur influence sur les séparatistes.

Le secrétaire d'État américain et son homologue russe se sont «mis d'accord (...) pour se concentrer sur un seul objectif: faire en sorte que ceux qui ont signé les accords du 12 février (à Minsk, ndlr) les respectent», a annoncé M. Lavrov.

De son côté, M. Kerry a estimé que «le recours à la force par toute partie à ce moment (du conflit ukrainien) serait extrêmement destructeur», douchant ainsi les ambitions du président Petro Porochenko de reprendre par exemple le contrôle de l'aéroport de Donetsk, qui est aux mains des séparatistes.

«J'exprime la gratitude du président (Barack) Obama pour la volonté de la Russie de s'engager dans la discussion à un moment où l'échange de vues ne peut pas être plus important», a déclaré M. Kerry.

«Il n'y a pas d'autre option que de parler directement à ceux qui prennent les grandes  décisions, notamment pendant une période complexe et évoluant vite comme celle-ci», a-t-il ajouté.

Outre le conflit ukrainien, les deux hommes ont également discuté du conflit syrien et de la question du programme nucléaire iranien, sur lequel un accord définitif doit être conclu avant le 30 juin.

«Nous comprenons tous que l'unité est (...) la clé d'un bon accord», a indiqué M. Kerry. «La Russie et les États-Unis sont des alliés dans cet effort», a-t-il assuré, ajoutant que la vente de missiles russes S-300 à Téhéran «n'enfreignait pas la loi internationale».

Diktat de Washington 

Avant la conférence de presse, John Kerry avait déjà salué un échange «franc» avec son homologue russe sur son compte Twitter. «Il est important de conserver les lignes de communication entre les États-Unis et la Russie lorsque nous nous penchons sur des problématiques mondiales urgentes», avait écrit M. Kerry.

Pour sa part, la diplomatie russe avait jugé «long et franc» l'entretien entre les deux hommes.

Une heure avant le début de la conférence de presse, alors que Vladimir Poutine s'entretenait toujours avec John Kerry dans sa résidence privée au bord de la mer Noire, le ministère russe des Affaires étrangères avait pourtant diffusé un communiqué au ton plus dur.

«La Russie est prête à une coopération constructive avec les États-Unis (...) cependant, cette coopération n'est possible que sur une base juste et équitable, sans tentative de diktat ou de contrainte», avait ainsi déclaré le ministère dans un communiqué.

«La crise actuelle des relations avec Washington n'est pas de notre responsabilité», avait également souligné Moscou. «La poursuite d'une confrontation, avec des tentatives de pression sur nous par le biais des sanctions est un chemin qui ne mène nulle part», avait ajouté la diplomatie russe.

En début de journée, dans une ambiance décontractée, sous le soleil de Sotchi, M. Kerry, accompagné de M. Lavrov, avait déposé une gerbe de fleurs à un mémorial de soldats soviétiques tués lors de la Seconde Guerre mondiale.

M. Lavrov a également remis à son homologue un carton de pommes de terre russes, un clin d'oeil à l'égard d'un épisode symétrique, lorsque M. Kerry lui avait offert des pommes de terre américaines en janvier 2014.