Le candidat conservateur d'opposition Andrzej Duda a créé la surprise dimanche en arrivant en tête, selon un sondage, au premier tour de la présidentielle en Pologne, infligeant un revers au président sortant Bronislaw Komorowski donné favori.

L'issue du scrutin présidentiel risque d'influencer celle des législatives attendues à l'automne, vote clé pour l'exercice du pouvoir en Pologne où les compétences présidentielles sont relativement limitées.

M. Duda obtient 34,8% des voix et affrontera au deuxième tour, le 24 mai, le président sortant que ce résultat relègue à la deuxième place avec 32,2% des voix.

Le candidat contestataire, le rockeur Pawel Kukiz, arrive troisième avec 20,3%, un résultat au-delà de toute espérance, selon ce sondage réalisé pour la télévision publique polonaise.

Ces résultats ont pris par surprise les analystes polonais.

«Je suis complètement choqué», a reconnu un politologue de l'Académie Polonaise des Sciences, Stanislaw Mocek.

«La campagne électorale de Bronislaw Komorowski a été très faible. Son équipe a totalement négligé la puissance de ses opposants», a-t-il expliqué à l'AFP.

Pour un de ses confrères, Eryk Mistewicz, le revers du président sortant vient du fait qu'il n'a été soutenu que par ceux qui ont bénéficié de l'évolution récente de la Pologne.

«Une campagne explosive»

«Nous avons vu la mobilisation de tous ceux qui mettent en question les acquis des 25 ans de la Pologne libre. Ils veulent dire qu'il a fallu peut-être avancer moins vite pour avoir une Pologne moins libérale et plus sociale», a-t-il dit à l'AFP.

«Ce qui nous attend avant le second tour, c'est une campagne explosive», prédit-il.

Le président sortant a immédiatement qualifié son score de «sérieux avertissement» adressé au «camp du pouvoir» et annoncé qu'il présenterait dès lundi des propositions pour «les déçus qui attendent des changements plus rapides, une modernisation plus rapide du pays».

«Ne nous leurrons pas, c'est un dur travail, une âpre lutte qui nous attendent, mais, j'en suis convaincu, avec la victoire au bout du chemin», a-t-il assuré.

M. Duda, candidat du parti Droit et Justice (PiS) dirigé par Jaroslaw Kaczynski, a été accueilli au cri de «Nous gagnerons» par les militants rassemblés à son quartier général, qui ont aussi scandé son nom.

Il a affirmé qu'il se donnait pour objectif la «rénovation» de la Pologne dans de nombreux domaines, dont la santé, l'économie et l'éducation.

Pour y parvenir, «il faut tout d'abord un changement à la présidence», a-t-il ajouté, appelant à l'unité nationale en faveur de sa candidature et au dialogue, y compris avec les électeurs de ses concurrents, citant en premier lieu ceux de Pawel Kukiz.

L'avance, dont le président Komorowski bénéficiait à l'ouverture de la campagne électorale, lui avait fait espérer une victoire au premier tour. Mais elle n'a cessé de fondre au fil d'une campagne très terne, au cours de laquelle il a refusé un débat avec ses concurrents.

Les pouvoirs du chef de l'État sont limités en Pologne, pays de 38 millions d'habitants, poids lourd économique et politique de l'Europe centrale, membre de l'UE depuis 2004.

Le chef de l'État a toutefois la haute main sur la politique étrangère et la défense. Il dispose également de l'initiative législative et peut opposer son véto aux lois adoptées.

Elu pour son premier mandat en 2010, M. Komorowski est soutenu par le parti gouvernemental Plateforme civique (PO, centre droit), aux commandes depuis bientôt huit ans, ce qui se traduit par une certaine usure du pouvoir.

Ancien ministre de la Défense, il avait mené sa campagne autour des questions de sécurité, dans le contexte du conflit ukrainien.

Pour certains, comme Slawomir, ouvrier en bâtiment de 47 ans, et partisan d'Andrzej Duda, ce sujet est un faux problème.

«Je préfèrerais que le président s'occupe des problèmes des Polonais. Au lieu de parler de ça, on nous bassine avec la sécurité et avec le fait que la Russie nous menace», a-t-il déclaré.

Le candidat conservateur, qui affiche son catholicisme, avait fondé sa campagne sur les questions sociales, promettant aux Polonais de vastes avantages, baisse des impôts et rabaissement de l'âge de la retraite. Il avait obtenu le soutien du syndicat Solidarité.

La participation dimanche a atteint 49,4%, contre 55% au premier tour de la présidentielle il y a cinq ans.