L'Europe a célébré vendredi le 70e anniversaire de la victoire sur l'Allemagne nazie, symbole d'espoir et de liberté retrouvée, alors que la guerre couve de nouveau à l'est, en Ukraine, et que plane la menace djihadiste.

«Tenons-nous unis aux côtés de nos alliés, en Europe et au-delà, au nom de nos valeurs communes - la liberté, la sécurité, la démocratie, les droits de l'homme (...), contre le sectarisme et la haine sous toutes leurs formes, afin de donner un sens à ce serment: "N'oublions pas. Plus jamais ça"», a lancé le président Barack Obama.

Loin des commémorations solennelles qui avaient marqué en 2014 le 70e anniversaire du Débarquement allié en Normandie, en présence de nombreux chefs d'État, dont le russe Vladimir Poutine, chaque pays a opté cette fois pour des célébrations plus nationales.

«Nous ne l'avons pas vécue la guerre, nous la regardons comme une réalité lointaine, parfois abstraite, alors même qu'elle est là, pas si loin de nous, en Ukraine (..) au Moyen-Orient, c'est-à-dire à quatre ou cinq heures d'avion», a déclaré le président français François Hollande. «Il y a encore des causes qui doivent nous animer», a-t-il ajouté. La France a été secouée en janvier par des attentats djihadistes sanglants, sur fond de montée en puissance du communautarisme et de l'extrême droite.

M. Hollande a ensuite présidé une cérémonie à l'Arc de Triomphe en présence du premier ministre Manuel Valls et de John Kerry, le plus européen des secrétaires d'État américains, venu rencontrer à Paris des homologues du Golfe.

«Aujourd'hui, nous sommes solidaires du peuple d'Ukraine face à l'agression russe (...) nous faisons appel à votre "leadership" dans la lutte contre (le groupe armé) État islamique. Et nous saluons votre action pour sauver des vies (de migrants) en Méditerranée», a relevé le secrétaire d'État dans une déclaration écrite.

En Grande-Bretagne, tout juste sortie de législatives marquées par la victoire du premier ministre conservateur David Cameron, les principaux dirigeants politiques devaient se retrouver pour une cérémonie à 12 h 30 GMT (8 h 30, heure de Montréal) sur fond d'interrogations sur l'avenir du pays au sein de l'UE.

Encore des forces obscures

L'Allemagne, vaincue de 1945 qui a retrouvé depuis toute sa place en Europe comme démocratie modèle et puissance économique, a aussi célébré la «libération» de l'obscurantisme nazi et remercié Alliés occidentaux et Armée rouge pour leur engagement contre le nazisme.

«Ils ont mis fin au régime de terreur national-socialiste au prix de sacrifices inimaginables», a déclaré le président du Bundestag (chambre basse), Norbert Lammert.

S'ils étaient tous présents autour de Vladimir Poutine sur la Place rouge pour célébrer le 60e anniversaire de la fin de la guerre en 2005, les dirigeants occidentaux bouderont cette fois, en raison du conflit ukrainien, les célébrations fastueuses prévues samedi à Moscou pour le 70e anniversaire.

L'Occident reproche au Kremlin de soutenir et d'armer les séparatistes prorusses en Ukraine, ce que la Russie nie catégoriquement.

Symbole de ce retour en force militaire de la Russie, 16 000 soldats et 194 unités blindées défileront sur la place Rouge, survolée par 143 avions et hélicoptères. La Russie célèbre la fin de la guerre le 9 mai et non le 8 en raison du décalage horaire avec Moscou lors de la signature de la capitulation allemande à Berlin.

Grande ombre au tableau d'une Europe post-Guerre froide qui se voulait unie et pacifiée à jamais, le conflit ukrainien suscite les plus grandes inquiétudes, notamment dans les pays de l'ex-Union soviétique, qui restent très méfiants devant les aspirations russes.

«Il y a encore en Europe des forces qui rappellent les périodes les plus sombres de l'histoire européenne du 20e siècle, qui suivent la logique des zones d'influence et cherchent à maintenir leurs voisins dans l'état de dépendance de vassaux», s'est alarmé le président polonais Bronislaw Komorowski.

Prenant acte de la rupture avec Moscou, l'Ukraine, ex-république d'URSS qui a payé un lourd tribut en 1941-1945, a décidé de célébrer désormais la fin de la guerre le 8 mai et non plus le 9 mai, comme elle le faisait depuis 70 ans.

Poutine salue les présidents des ex-républiques soviétiques, sauf ceux d'Ukraine et de Géorgie

Le président russe Vladimir Poutine a salué vendredi les dirigeants des ex-républiques soviétiques pour la victoire de l'URSS sur l'Allemagne nazie en 1945 sauf ceux d'Ukraine et de Géorgie dont il s'est contenté de saluer les peuples.

«Le président de la Fédération de Russie a salué les dirigeants de l'Arménie, de l'Azerbaïdjan, du Bélarus, du Kazakhstan, du Kirghizstan, de la Moldavie, du Tadjikistan, du Turkménistan, de l'Ouzbékistan, de l'Abkhazie et de l'Ossétie du Sud, ainsi que les citoyens géorgiens et ukrainiens pour la victoire dans la Grande Guerre patriotique», a indiqué le Kremlin dans un communiqué.

Cette victoire représente «un patrimoine inestimable pour nos peuples, qui ont combattu côte à côte contre un ennemi cruel et sauvé le monde du fascisme», a ajouté le président russe, appelant à «chérir cette mémoire (...) pour ne pas répéter les erreurs du passé».

La Russie célèbre samedi en grande pompe le 70e anniversaire de la victoire de l'Armée rouge sur l'Allemagne. Les présidents de la majorité des ex-républiques soviétiques ayant accédé à l'indépendance en 1991 assisteront à la grandiose parade militaire prévue sur la place Rouge et boudée par les Occidentaux.

Parmi les dirigeants félicités par le président russe se trouvent ceux de l'Abkhazie et de l'Ossétie du Sud, deux républiques séparatistes géorgiennes non reconnues par la communauté internationale.

Les pays baltes - La Lettonie, l'Estonie et la Lituanie - annexés en 1939 par les troupes soviétiques dans le cadre du pacte germano-soviétique et devenus républiques soviétiques ne sont pas évoqués par le président russe.

La Géorgie, à l'image de l'Ukraine, a été secouée il y a quelques années par une révolution prooccidentale, et s'est éloignée de la Russie avec qui elle entretient désormais des rapports très orageux.

En août 2008, une brève guerre avait opposé la Géorgie à la Russie. Moscou a depuis installé des bases militaires dans les régions séparatistes d'Abkhazie et d'Ossétie du Sud, qui se sont déclarées unilatéralement indépendantes, ce qui est qualifié d'occupation par la Géorgie.