Ils refusent l'Expo et tiennent à le faire savoir: Milan a connu vendredi une journée de guérilla urbaine avec des dizaines de magasins et voitures saccagés le jour même de l'inauguration de l'Exposition universelle.

Au moins une cinquantaine de casseurs vêtus de noir, cagoulés, masqués et brandissant des gourdins et des pierres se sont invités dans le cortège «May Day» qui défilait sous la pluie dans le centre-ville de Milan, qu'ils ont interrompu le temps de violents affrontements avec la police antiémeute.

Ces incidents sont les plus violents depuis plusieurs années à Milan.

La manifestation, qui se tenait loin des beaux pavillons bien briqués de l'Expo, faisait partie des cinq journées d'action annoncées par le réseau citoyen milanais No Expo, et la police redoutait l'arrivée de militants violents de l'étranger.

À peine quelques heures après l'inauguration en grande pompe par le chef du gouvernement Matteo Renzi, ceux que les autorités ont décrit comme des «militants anarchistes» ont vandalisé de nombreuses vitrines et du mobilier urbain, incendié des voitures et lancé pétards, fumigènes et projectiles en direction des policiers. Ceux-ci ont répondu avec des canons à eau et des gaz lacrymogènes.

«Vous nous plumez, aujourd'hui vous payez», pouvait-on lire, tracé à la hâte sur le mur d'une agence bancaire en flammes, qui a été rapidement prise en charge par les pompiers.

Selon la préfecture de police, 11 policiers ont été blessés, et une dizaine de manifestants interpellés.

«Nous avons arrêté beaucoup de délinquants. Nous serons très durs avec ces voyous à capuche. Que personne ne s'imagine qu'ils seront libérés tout de suite !», a tweeté dans la soirée le ministre de l'Intérieur, Angelino Alfano.

«Joyeux énervement»

La manifestation No Expo, qui voulait dénoncer dans une ambiance de «joyeux énervement» un gaspillage d'argent public et le recours aux travailleurs précaires et aux volontaires à l'Expo, avait pourtant commencé dans le calme, près d'un lieu emblématique de Milan, un ancien canal tout juste rénové.

Au début, les manifestants se sont au début contentés de chanter, de distribuer des tracts et de taguer «Expo

Mafia» et d'autres slogans sur les vitrines un restaurant McDonald's, commanditaire officiel de l'Exposition universelle.

«L'Expo est commanditée par les multinationales, contrairement à ce qu'ils proclament. On sait bien qu'ils exploitent les travailleurs du tiers-monde, et ici aussi», expliquait avant le départ du cortège Valentina, employée de 32 ans et militante du Parti communiste, drapeau rouge dans les mains.

L'intervention des casseurs s'est produite plus loin, autour du quartier chic de Cadorna. Elle a coupé la manifestation en deux pendant près d'une heure.

Une fois les volutes des fumigènes et des lacrymogènes dispersées, le cortège est reparti, le long de rues jonchées de voitures brûlées, de poubelles en feu, de pierres, de bacs à fleurs renversés... et de vêtements noirs probablement abandonnés par les casseurs pour se fondre dans la foule.

«Ce sont des provocateurs venus de l'extérieur. Nous sommes pacifiques», a déclaré à l'AFP Enzo, manifestant turinois de 48 ans. «Je ne crois pas qu'ils aient gâché la fête de l'Expo, car elle va certainement continuer, mais ils ont gâché l'intention de ce cortège», a-t-il ajouté avec amertume.

La tension est restée vive même après le départ des casseurs. Une jeune femme, menottée, a été emmenée dans un fourgon de police malgré l'intervention d'une foule hostile en sa faveur, dont certains insultaient les policiers, a observé une journaliste de l'AFP.

«Elle m'a agressé», a lancé un policier sous les huées des manifestants.

La manifestation s'est achevée en fin d'après-midi, les policiers ont rapidement bouclé la place de la Scala, qui donnait vendredi soir, devant de nombreuses personnalités, l'opéra «Turandot», de Giacomo Puccini, en ouverture de son programme exceptionnel pour l'Expo.

PHOTO FILIPPO MONTEFORTE, AFP

Un policier italien tire une grenade de gaz lacrymogènes en direction des manifestants à Milan, le 1er mai.