Depuis une semaine, c'est une véritable série noire qui s'abat sur le ministère de l'Éducation français, qui fait face à des cas de pédophilie parmi ses enseignants.

À l'origine de cet émoi, un fait divers particulièrement sordide: l'arrestation, puis la mise en examen, la semaine dernière, d'un directeur d'école pour des accusations de pédophilie.

Romain Farina, 45 ans, était directeur d'une école primaire et enseignant d'une classe de CP (1re année) à Villefontaine, une petite ville de 3200 habitants en Isère, dans le sud-est de la France.

Condamné dans une affaire de pornographie juvénile en 2008, ce père de famille n'en avait pas moins poursuivi sa carrière auprès de jeunes enfants.

Son passé ne l'a rattrapé que lorsque des élèves de sa classe ont décrit à leurs parents les «ateliers de goût» organisés en classe.

Derrière un paravent, Romain Farina imposait des fellations aux enfants âgés de 7 à 9 ans, qui défilaient les yeux bandés. Ces agressions ont été filmées avec du matériel scolaire.

Vingt-trois plaintes ont depuis été déposées contre Romain Farina, qui a avoué aux policiers ces actes de pédophilie.



«Dysfonctionnements graves»

Comment un homme condamné pour détention de matériel pédopornographique a-t-il pu poursuivre sa carrière auprès des enfants? Depuis une semaine, la question n'en finit pas de soulever l'émoi.

La ministre de l'Éducation Najat Vallaud-Belkacem a rapidement reconnu des «dysfonctionnements graves» et a ordonné la tenue d'une enquête administrative. En France, le ministère de la Justice ne transmet pas automatiquement les condamnations des enseignants au ministère de l'Éducation.

«Il y a deux administrations qui se parlent peu. Avec 800 000 enseignants, c'est une machine énorme et il faut absolument mettre en place une procédure pour que cela ne se reproduise plus», estime Valérie Marty, présidente de la Fédération des parents d'élèves de l'enseignement public (PEEP).



PHOTO JEAN-PERRE CLATOT, AFP

Une marche a été organisée à Villefontaine en soutien aux victimes

D'autres cas

L'affaire Farina n'est pas un cas isolé. À Rennes, en Bretagne, c'est un professeur de sport dans une école secondaire qui vient d'être suspendu. Il avait été condamné en 2006 pour détention de pornographie juvénile et est aussi au centre d'une enquête pour agression sexuelle sur une mineure, dans sa sphère privée.

Malgré tout, ce n'est que parce que son dossier criminel a été envoyé anonymement aux autorités de son école que l'Éducation nationale l'a suspendu.

«Tous les enseignants sont horrifiés, évidemment, dit Christian Chevalier, secrétaire général du syndicat des enseignants de l'Union des syndicats autonomes, qui représente environ 50 000 professeurs. Mais ce qui importe, c'est qu'on en tire des enseignements, que dès qu'il y a une suspicion [de pédophilie], il y ait un échange entre la justice et l'Éducation nationale.»

Autrefois qualifié de «mammouth» par le ministre qui le gérait, le ministère de l'Éducation nationale est en effet une machine administrative très lourde. On ne demande qu'une seule fois le casier judiciaire de ses professeurs: en début de carrière. Manifestement, ce contrôle n'est pas suffisant, puisqu'en 2014 seulement, 16 enseignants ont été révoqués pour des faits de pédophilie.

Les enseignants sont également laissés à eux-mêmes au cours de leur carrière, puisque leurs supérieurs hiérarchiques ne sont pas dans les écoles primaires ou secondaires, mais dans les inspections d'académie, l'équivalent, pour les départements français, des commissions scolaires.

En dépit des révélations successives des derniers jours sur ces professeurs pédophiles, l'Éducation nationale n'a toujours pas communiqué avec le corps enseignant.

«On n'a toujours rien reçu de l'inspection d'académie ou du Ministère, dit une enseignante dans une école primaire de l'Isère. Je ne sais pas comment on va sortir de cette histoire... c'est vraiment dramatique.»

PHOTO PATRICK KOVARIK, ARCHIVES AFP

Comment un homme condamné pour détention de matériel pédopornographique a-t-il pu poursuivre sa carrière auprès des enfants? Depuis une semaine, la question n'en finit pas de soulever l'émoi en France. La ministre de l'Éducation Najat Vallaud-Belkacem a ordonné la tenue d'une enquête administrative.