Qu'est-ce qui a bien pu pousser un pilote en début de carrière à entraîner 149 personnes dans la mort? Vengeance, dépression, psychose? À ce stade, aucune hypothèse n'est totalement écartée, mais une chose est certaine: le geste d'Andreas Lubitz trahit un «dysfonctionnement majeur» et «contient énormément de rage», disent les experts en santé mentale. Voici leurs pistes.

SUICIDE ÉLARGI

Lorsqu'une personne se suicide et tue ses proches pour leur épargner une vie qu'elle voit en noir - et la souffrance liée à sa disparition -, on parle parfois de «suicide altruiste». Elle peut aussi agir par colère, par exemple parce qu'elle refuse qu'un ex-conjoint lui survive et connaisse le bonheur, illustre le Dr Gilles Chamberland, directeur des services professionnels à l'Institut Philippe-Pinel de Montréal. «Mais amener avec soi autant d'étrangers avec qui on n'a aucun lien, il n'y a pas de raison logique de faire ça, affirme le psychiatre. Dans ce cas-ci, ça ressemble plus à l'homicide de 150 personnes.»

TROUBLE DE PERSONNALITÉ

«Il n'est pas impossible que le pilote ait eu des volontés de mort liées à des événements ou des gens de sa vie et soit centré sur lui, narcissique au point de faire fi des autres», estime toutefois Alain Mercier, psychologue au programme des troubles anxieux et de l'humeur de l'Institut universitaire en santé mentale de Montréal. Il est quand même peu probable qu'il ait agi par pur sadisme. «Les vrais psychopathes antisociaux peuvent prendre plaisir à voir les autres souffrir, à faire parler d'eux - un peu comme Magnotta -, mais ils ne sacrifieront pas leur vie pour ça», précise le Dr Chamberland.

TUERIE DE MASSE

À la manière des tueurs de masse, qui retournent leur arme contre eux après leur carnage, Andreas Lubitz a peut-être décidé de se venger de quelque chose, quitte à en mourir. Des écoles, des bureaux et des centres commerciaux ont été le théâtre de pareilles fusillades, sans que leurs auteurs invoquent de causes politiques. «Ces personnes se voient comme des justicières, par un raisonnement qui semble cohérent à leurs yeux», expose Alain Mercier.

PSYCHOSE

Autre possibilité: un épisode psychotique. «Le pilote pourrait avoir vécu une perte de contact avec la réalité et, dans un délire, s'être donné pour mission d'éliminer des gens en s'éliminant lui-même», avance le psychologue.

ATTENTAT-SUICIDE

Comme les pilotes qui ont percuté le World Trade Center en 2001 ou comme les kamikazes qui se font exploser en public, Lubitz pourrait avoir eu des motivations terroristes. Hier, les enquêteurs n'avaient toutefois recueilli aucun indice permettant de le croire.