Le copilote de l'Airbus A320 de la compagnie allemande Germanwings, seul aux commandes, a «volontairement permis la chute de l'avion» et avait vraisemblablement «la volonté de détruire» l'appareil, a affirmé jeudi le procureur français responsable de l'enquête judiciaire, en écartant à ce stade un attentat terroriste.

Les enquêteurs allemands perquisitionnaient jeudi soir dans l'ouest de l'Allemagne les deux domiciles du copilote de l'avion de Germanwings, soupçonné d'avoir volontairement précipité l'appareil au sol mardi matin, a annoncé le parquet de Düsseldorf (nord-ouest).

«Les perquisitions concernent aussi bien l'appartement du copilote à Düsseldorf que son logement à Montabaur», où il vivait une partie du temps chez ses parents, a indiqué à l'AFP le procureur Ralf Herrenbrück, précisant un communiqué de ses services évoquant «plusieurs perquisitions» dans le pays.

Andreas Lubitz, 28 ans, de nationalité allemande, «a volontairement permis la chute de l'avion», a-t-il déclaré lors d'une conférence de presse à Marignane (sud) en présentant les premiers résultats de l'analyse de la boîte noire de l'appareil ayant enregistré les sons dans le cockpit.

> Réagissez sur le blogue de Richard Hétu

Le procureur, Brice Robin, a souligné cependant que le copilote n'était «pas répertorié comme terroriste», et que «rien ne permet de dire qu'il s'agit d'un attentat terroriste» à ce stade.

Le ministre allemand de l'Intérieur, Thomas de Maizière, a abondé dans le même sens assurant jeudi qu'il n'y avait «pas d'indice d'un contexte terroriste» chez le copilote.

«Concernant le copilote, en l'état actuel des connaissances, après le recoupement des informations dont nous disposons sur lui en tant que personne, il n'y a pas de contexte terroriste», a déclaré le ministre, confirmant des informations du procureur français chargé duy dossier, lors d'un point-presse à Berlin.

«Une dimension totalement inconcevable»

La chancelière allemande Angela Merkel a estimé jeudi que la «tragédie» de l'écrasement de l'A320 de Germanwings prenait «une dimension totalement inconcevable» avec les informations selon lesquelles le copilote a sans doute précipité volontairement l'avion vers le sol.

«Cette tragédie prend une dimension totalement inconcevable», a déclaré Mme Merkel, ajoutant: «cela va au-delà de l'entendement», dans une courte déclaration à la presse à la chancellerie à Berlin.

Pas «le moindre indice»

Il n'y a pas «le moindre indice» sur les raisons qui ont poussé le copilote à précipiter l'avion contre le sol, a déclaré jeudi Carsten Spohr, le patron de la Lufthansa, maison-mère de Germanwings.

«Même dans nos pires cauchemars, nous n'aurions pas pu imaginer qu'une telle tragédie puisse arriver» dans notre entreprise, a confié le patron, la voix étranglée de sanglots, lors d'une conférence de presse à Cologne (ouest de l'Allemagne).

«Nous sommes abasourdis ici à la Lufthansa et chez Germanwings», a souligné le président du directoire.

«Nous n'avons pas le moindre indice sur ce qui a pu pousser le copilote à commettre cet acte horrible», a souligné M. Spohr, deux heures après que la justice française a révélé que le copilote, Andreas Lubitz, 28 ans, a sans doute provoqué intentionnellement la chute de l'avion .

«Aucun système au monde ne pourrait empêcher» l'acte du copilote, a-t-il souligné. «Quelles que soient les mesures de sécurité que vous pouvez avoir dans une société, quelle que soit la rigueur des procédures, rien ne pourrait empêcher un tel acte isolé», a-t-il insisté.

Le patron de la Lufthansa, lui même ancien pilote, a longuement insisté sur la formation qu'avait suivie le jeune homme.

Andreas Lubitz, qui avait entamé sa formation en 2008 avant toutefois une interruption «de plusieurs mois» il y a six ans dont il n'a pas donné les raisons, était «à 100 % capable de piloter» un avion, a-t-il martelé.

«Ceux qui nous connaissent savent que nous sélectionnons avec beaucoup, beaucoup d'attention» nos pilotes, a-t-il expliqué, ajoutant que la procédure de recrutement des pilotes laissait une large place aux examens psychologiques, en plus des tests sur les capacités techniques et cognitives.

Il a néanmoins ajouté qu'une fois devenus pilotes, ils ne subissaient plus de tests psychologiques, mais seulement des examens destinés à tester leurs aptitudes au commandement, s'ils souhaitent devenir commandant de bord.

De leur côté, les compagnies aériennes norvégienne Norwegian Air Shuttle et islandaise Icelandair, de même que la Canadienne Air Transat, ont annoncé jeudi un changement de leurs procédures pour imposer désormais la présence en permanence de deux personnes dans le cockpit.  

«Un échange courtois»



«Pendant les vingt premières minutes», on entend «un échange courtois et même enjoué» entre le pilote et le copilote. Puis «le commandant de bord prépare le briefing (breffage) pour l'atterrissage à Düsseldorf (Allemagne)» et on entend le copilote répondre de façon «laconique», a raconté Me Robin, se basant sur les enregistrements.

Le commandant de bord demande ensuite au copilote de prendre les commandes et on entend le bruit d'un siège qui recule. Après la sortie du pilote, le copilote se trouvait «seul aux commandes» dans la cabine de pilotage jusqu'au moment de l'écrasement, a précisé M. Robin.

«Par une abstention volontaire, il a refusé d'ouvrir la porte de la cabine au commandant de bord», a poursuivi le procureur.

«Il n'avait aucune raison d'empêcher le commandant de bord de revenir dans la cabine de pilotage», a insisté M. Robin, selon qui «on entend plusieurs appels du commandant de bord pour demander l'accès à la cabine de pilotage, mais aucune réponse de la part du copilote».

Seul dans la cabine, le copilote a «actionné le bouton commandant la perte d'altitude pour une raison que nous ignorons totalement, mais qui peut s'analyser comme une volonté de détruire cet avion», a précisé le procureur.

Il a souligné que le copilote «avait la capacité et était apte à conduire l'avion». «Il travaillait depuis quelques mois seulement et avait une centaine d'heures sur cet appareil», a précisé M. Robin.

Il a enfin indiqué que la mort mardi des 150 victimes du vol, principalement allemandes et espagnoles, avait été «instantanée». «Nous n'entendons des cris qu'à la fin, dans les toutes dernières minutes», a-t-il dit.

Le chef du gouvernement espagnol Mariano Rajoy s'est dit jeudi «bouleversé» par les nouvelles révélations de l'enquête.

«Bouleversé par les dernières informations des enquêteurs. De nouveau, notre affection émue aux familles», a écrit Mariano Rajoy sur son compte twitter, après l'annonce que le copilote a volontairement précipité l'avion contre la montagne.