L'été dernier, la petite ville allemande d'Haltern a célébré avec faste la gloire d'un de ses enfants, membre de l'équipe championne de la Coupe du monde de soccer. Hier, la même ville s'est réunie à nouveau au nom de ses enfants. Cette fois, pour les pleurer.

Les autorités allemandes ont confirmé que 16 élèves et deux enseignantes de l'école secondaire d'Haltern, le Joseph-König Gymnasium, étaient à bord hier du vol 4U 9525 de la compagnie aérienne à bas coûts Germanwings, une filiale de Lufthansa.

Après une semaine d'échange linguistique avec une école espagnole de la région barcelonaise, les adolescents rentraient chez eux. Haltern, petite ville historique de 35 000 âmes, est située à tout juste 87 kilomètres de Düsseldorf, lieu de leur atterrissage planifié à 11h55 hier.

Le Airbus A320 qui a quitté Barcelone à 10h hier matin n'est jamais arrivé en Allemagne. Près de 53 minutes après avoir décollé et tout juste une minute après que l'appareil eut atteint sa vitesse de croisière, le contact radio avec l'avion a été interrompu.

Une longue descente de huit minutes s'est terminée dans les montagnes enneigées du massif des Trois-Évêchés, près de Digne-les-Bains, dans les Alpes de la Haute-Provence française. «C'est un domaine vierge, très difficile d'accès. C'est impossible d'y aller à pied, mais on peut s'y rendre en hélicoptère», a dit à La Presse Odile Durand, de l'école de ski de La Foux d'Allos, la montagne voisine.

«Des débris et des corps»

Les premières photos de l'écrasement rendues publiques montrent des milliers de débris épars dans une crevasse rocheuse. «Image épouvantable dans ce paysage de montagne. Il ne reste que des débris et des corps», a écrit sur Twitter Christophe Castaner, député des Alpes-de-Haute-Provence qui a survolé le lieu du désastre avec le ministre de l'Intérieur de l'Hexagone, Bernard Cazeneuve, quelques heures après l'écrasement.

Lors d'une conférence de presse en début d'après-midi, le président français François Hollande a confirmé que personne n'a survécu à la tragédie. Se trouvaient à bord 144 passagers et 6 membres d'équipage. Des Espagnols, des Turcs et un Belge sont au nombre des victimes, tout comme 67 Allemands. L'opéra de Düsseldorf a annoncé que les chanteurs Maria Radner (autrichienne) et Oleg Bryjak (originaire du Kazakhstan) ont aussi péri dans l'accident.

Une ville en deuil

La nouvelle de la tragédie est vite parvenue à Haltern. Le directeur de l'école secondaire en deuil, Ulrich Wessel, a renvoyé les enfants à la maison. Certains d'entre eux ont organisé une vigile spontanée, allumant des chandelles devant l'école. L'église de Saint-Sixtus a ouvert ses portes à la communauté, qui y a afflué.

Un des premiers messages de sympathie est venu du héros de la ville, Benedikt Höwedes, 27 ans, membre de l'équipe nationale de soccer qui a remporté le Mondial au Brésil l'été dernier. «Tout le monde sait que je suis d'Haltern et que beaucoup de membres de ma famille et de mes amis y sont toujours. L'horrible accident me rend incroyablement triste et je souhaite aux familles et aux proches des victimes d'avoir la force nécessaire pour passer au travers», a écrit en allemand le célèbre athlète.

Les miraculés

D'autres joueurs de soccer, suédois ceux-là, se sont manifestés sur les réseaux sociaux pour une tout autre raison: ils l'ont échappé belle. Tous les membres d'une équipe de Borlänge, le Dalkurd FF, devaient prendre le vol de Germanwings, mais ont changé d'idée une fois à l'aéroport de Barcelone. «À tous ceux qui ont essayé de nous contacter ces dernières heures: nous sommes à la maison et nous allons bien. C'est un autre avion [qui s'est écrasé]. Qu'ils reposent en paix», a écrit le gardien de but Frank Pettersson.

Enquête en cours

Les trois pays les plus touchés par la tragédie - la France, l'Allemagne et l'Espagne - ont vite mis sur pied des cellules de crise hier. Les opérations de secours, pour lesquelles plus de 600 gendarmes et pompiers français ont été mobilisés, ont été organisées à partir d'un gymnase de Seynes-les-Alpes.

En collaboration avec le parquet de Marseilles, le Bureau d'enquêtes et d'analyses pour la sécurité de l'aviation civile, l'organe français responsable d'élucider les accidents aériens, s'est mis au travail hier. «À ce stade, aucune hypothèse ne peut être écartée», a dit le premier ministre français, Manuel Valls.

Sur les lieux de l'écrasement, les secours ont rapidement pu retrouver une des boîtes noires de l'avion. Son contenu doit être étudié rapidement par les enquêteurs, a dit le ministre de l'Intérieur français.

Selon les informations recueillies hier, les conditions météorologiques étaient clémentes au moment de l'accident et le pilote n'a pas signalé de situation d'urgence.

C'est plutôt un ingénieur de permanence de la Direction générale de l'aviation civile, qui a perdu le contact avec l'Airbus et a remarqué que l'appareil avait dévié de sa route, qui a déclaré que l'avion était en détresse.

Selon Le Monde, un avion de chasse et un hélicoptère ont été envoyés à la rencontre de l'Airbus, pour éviter un attentat terroriste similaire à ceux du 11 septembre 2001.

Un avion de 24 ans

L'Airbus A320 impliqué dans l'accident était en service depuis 1991. D'abord utilisé par Lufthansa, il avait été transféré à Germanwings en janvier.

L'accident de Germanwings est le premier écrasement d'avion à survenir sur le territoire français depuis celui d'un Concorde près de Roissy en juillet 2000.

-Avec la collaboration d'Agnès Gruda. Avec Libération, Le Monde, la BBC, Bild-Zeitung et Reuters